L'histoire coloniale de la Suisse figure, pour la première fois, au coeur d'une exposition au Musée national de Zurich. Basée sur de nouvelles recherches, elle évoque le rôle du pays dans le colonialisme et l'esclavage, puis s'interroge sur son héritage aujourd'hui.
Intitulée 'Colonialisme - une Suisse impliquée', l'exposition s'ouvre vendredi et est à voir jusqu'au 19 janvier. Elle évoque un pays sans colonies qui a profité de l'exploitation des peuples d'Afrique, d'Asie et des Amériques.
Hommes d'affaires, missionnaires, mercenaires
La présentation comprend deux parties, illustrées notamment par des objets, des oeuvres d'art, des photographies et d'autres sources écrites. La première partie est consacrée à onze aspects d’un colonialisme auquel particuliers, entreprises et collectivités suisses ont été associés dès le XVIe siècle, écrit le Musée national mercredi.
Elle raconte l'histoire d'hommes d'affaires qui ont participé à la traite transatlantique des esclaves ou fait fortune dans le commerce des denrées coloniales et l’exploitation de populations réduites en esclavage. L'exposition présente notamment les fouets et les menottes utilisées sur des esclaves dans des plantations de café ou de cacao au Ghana, qui ont permis à des Suisses de faire fortune.
Elle fait aussi le récit de gens qui ont parcouru toute la planète comme missionnaires ou ont quitté la Suisse pour fonder des colonies de peuplement et exploiter des territoires considérés comme étant inhabités.
Fuyant la pauvreté, d'autres ont servi comme mercenaires dans des armées européennes qui ont participé aux conquêtes coloniales et combattu la résistance des populations indigènes. Les lettres et témoignages de ces Suisses en provenance des colonies ont façonné le regard de l’opinion publique sur les populations de ces régions.
Vision raciste du monde aussi en Suisse
Le monde scientifique n'échappe pas à ce regard critique. Dans les universités de Genève et Zurich, des chercheurs ont formulé des théories raciales qui ont trouvé un écho international et servi à légitimer le système colonial.
L'exposition n'élude délibérément pas les objets, les images et des termes racistes et discriminatoires utilisés par les principaux intéressés. 'Il nous semble important d'informer aussi sur ce volet de l'histoire suisse', a déclaré la directrice du musée, Denise Tonella, aux médias réunis sur place. Le colonialisme a forgé 'une vision raciste du monde au sein de la population en se basant sur une supposée supériorité'.
'Censure de l'histoire'
Dans sa deuxième partie, l'exposition souligne les conséquences, encore actuelles, du colonialisme dans la répartition injuste des biens et sur l'environnement. Elle pose des questions sur la signification de l’héritage colonial, notamment à travers le débat sur le changement de nom de rues ou sur les déprédations de statues, rendant hommage à des acteurs du colonialisme. Elle interroge les visiteurs sur la 'censure de l'histoire', le paternalisme occidental encore actuel face à l'Afrique et l'origine coloniale des safaris.
L'exposition inclut aussi la perspective d'artistes à travers les contributions de Denise Bertschi, Sasha Huber, Chris Pappan, Mathias C. Pfund, Deneth Piumakshi Veda Arachchige et Dom Smaz. Des interactions avec la société civile, des experts et des acteurs du domaine ont aussi permis l’élaboration de cette présentation supervisée par un conseil scientifique international.
Autour du colonialisme, le Musée national propose un vaste choix d’activités pour les écoles conçues en collaboration avec l’historienne Ashkira Darman. Des évènements organisés en collaboration avec l'EPF Zurich et le Dictionnaire historique de la Suisse, des visites guidées interactives, des rencontres et des tables rondes sont aussi au programme.
/ATS