Cette année, l'Escalade, qui commémore la victoire de Genève sur les troupes du duc de Savoie en 1602, se célèbre discrètement dans les foyers. Le Covid a eu raison du grand défilé costumé dans les rues de Genève et des animations qui font l'originalité de la fête.
Il faut remonter à 1932 pour vivre une Escalade sans cortège, note Claude Bonard. L'ancien vice-chancelier de l'Etat de Genève, devenu chroniqueur historique, rappelle qu'à cette époque le climat politique est tendu à l'extrême. Le 9 novembre, à Plainpalais, une manifestation ouvrière contre le fascisme tourne au drame.
Des recrues de l'armée suisse tirent dans la foule. Treize personnes sont tuées, des dizaines d'autres sont blessées. Après cette tragédie, le Conseil d'Etat interdit tout rassemblement ou cortège sur la voie publique jusqu'à nouvel ordre, relève M.Bonard. Le défilé de l'Escalade, mi-décembre, tombe à l'eau.
Un but patriotique
Le fait est rarissime. Même lors de la Deuxième Guerre mondiale, les Genevois continuent de célébrer, chaque année, entre 1939 et 1945, leur victoire sur les troupes savoyardes, avec cortège, culte et exposition. L'objectif est alors de fortifier l'esprit patriotique de la population, souligne M.Bonard.
Les festivités de l'Escalade sont organisées depuis 1926 par la Compagnie 1602. Cette association genevoise compte 2200 membres. Elle constitue la plus grande société historique de Suisse. Elle possède de nombreux costumes et armes d'époque, ainsi que des trophées, entreposés à l'Arsenal, et qu'elle ressort pour son défilé.
L'Escalade est un évènement qui est un mélange de fête patriotique et de mascarade. Pendant longtemps, des bals costumés étaient organisés. Des cortèges spontanés se formaient, explique M.Bonard. Aujourd'hui, ce sont les enfants et les jeunes qui se déguisent. La fête est une sorte de carnaval propre à la Genève calviniste.
Une attaque de nuit
La bataille de l'Escalade a eu lieu la nuit du 11 au 12 décembre 1602. Les troupes du duc de Savoie Charles-Emmanuel 1er ont voulu franchir les murailles de Genève avec des échelles. L'alerte a été donnée à temps et l'ennemi a pu être repoussé, permettant à la république protestante de conserver son indépendance.
En ce mois de décembre, la menace ne se nomme ni Charles-Emmanuel ni d'Albigny, encore moins Brunaulieu, mais Covid-19, rappelle M.Bonard. 'Il y a un an, personne ne se doutait qu'un virus inconnu allait bouleverser nos vies'. L'historien espère toutefois bien voir l'an prochain le nouvel ennemi 'culbuté hors les murs'.
/ATS