Le procès du producteur de cinéma Harvey Weinstein, accusé de multiples agressions sexuelles, s'est ouvert lundi à Manhattan. Ce rendez-vous est crucial pour le mouvement #MeToo qui espère des sanctions pénales après avoir fait chuter de nombreux hommes de pouvoir.
Vêtu d'un costume sombre, l'ancien magnat de Hollywood est arrivé peu après 09h00 (15h00 en Suisse), pâle et se déplaçant avec un déambulateur, au tribunal d'Etat de Manhattan, pour la première audience d'un procès censé durer six semaines environ. Très technique, l'audience n'a duré qu'une heure environ.
Un premier échange acerbe a eu lieu entre l'avocate principale de la défense, Donna Rotunno, et la procureure, Joan Illuzzi-Orbon, annonciateur d'un procès tendu. La procureure a notamment accusé Mme Rotunno de dévoiler des informations confidentielles à la presse, tandis que l'avocate lui reprochait de qualifier M. Weinstein de 'prédateur' à l'audience.
Le juge James Burke a infligé une petite défaite à la défense. Il lui a interdit d'appeler à la barre un enquêteur de la police new-yorkaise dont les erreurs au début de l'enquête ont forcé l'accusation à retirer un chef d'inculpation
'Justice pour les survivantes'
Une quinzaine de femmes manifestaient pendant ce temps devant le tribunal, armées de pancartes comme 'Justice pour les survivantes'. Parmi elles, plusieurs, comme les actrices Rosanna Arquette et Rose McGowan, affirment avoir été agressées sexuellement par Harvey Weinstein. Leurs accusations sont prescrites, car les faits allégués sont trop anciens.
Depuis les premières révélations du New York Times début octobre 2017, plus de 80 femmes, dont des célébrités comme Gwyneth Paltrow, Angelina Jolie ou Léa Seydoux, ont accusé l'ex-magnat hollywoodien, un faiseur d'Oscars longtemps vénéré, de les avoir harcelées ou agressées sexuellement.
Mais le procès ne concerne directement que deux d'entre elles, témoin de la difficulté à construire un dossier pénal sans preuve matérielle et sans témoin, autour de faits remontant souvent à plusieurs années.
Victime anonyme
L'ancienne assistante de production Mimi Haleyi affirme qu'Harvey Weinstein l'a agressée sexuellement dans son appartement new-yorkais en juillet 2006. La seconde victime présumée, demeurée anonyme, l'accuse d'un viol en mars 2013 dans une chambre d'hôtel new-yorkaise.
L'acte d'accusation inclut une troisième femme, l'actrice Annabella Sciorra, qui affirme avoir été violée par M. Weinstein en 1993. Les faits la concernant sont prescrits, mais doivent permettre à l'accusation d'étayer le chef d'inculpation de comportement sexuel 'prédateur', qui fait risquer la perpétuité au producteur de 67 ans.
Une condamnation de l'ex-patron du studio Miramax serait une victoire majeure pour le mouvement #MeToo et l'organisation Time's Up, née dans son sillage, qui combat harcèlement sexuel et discrimination à Hollywood et au-delà.
'Fini de blâmer les victimes'
'C'en est fini du harcèlement sexuel sur le lieu de travail, fini de blâmer les victimes, fini les excuses dépourvues de conséquences et la culture du silence qui a aidé les agresseurs comme Weinstein', a lancé Rosanna Arquette devant les journalistes. 'J'espère qu'il finira ses jours en prison', a déclaré Sarah Ann Masse, une autre femme qui affirme avoir été sexuellement agressée par M. Weinstein en 2008.
Même si c'est 'très frustrant' que deux femmes seulement aient pu engager des poursuites, en raison des délais de prescription, 'si le juge et le jury écoutent bien les faits et comprennent la nature de la douleur et du traumatisme des victimes, il ira en prison', a-t-elle assuré.
Rarissimes procès
Car si depuis 2017 #MeToo a fait tomber de nombreux hommes de pouvoir, la quasi-totalité a échappé à des poursuites pénales. Le seul autre procès en vue concerne le chanteur R. Kelly, inculpé l'an dernier d'agressions sexuelles sur des jeunes femmes, parfois mineures. L'acteur américain Bill Cosby a été condamné en septembre 2018 à trois ans de prison minimum.
Si Harvey Weinstein est devenu un paria pour l'opinion, l'accusation est loin d'être assurée d'obtenir la condamnation du producteur, qui a toujours assuré que ses relations sexuelles étaient consenties. Bien avant le procès, les avocats de M. Weinstein, deux fois marié et père de cinq enfants, ont tenté de saper les témoignages des deux victimes présumées.
Leur première bataille sera celle de la sélection des jurés, pour tâcher d'écarter les sympathisants du mouvement #MeToo. Elle doit commencer mardi et pourrait prendre jusqu'à deux semaines.
/ATS