Au premier jour de son procès en Allemagne, l'ancien comptable d'Auschwitz Oskar Gröning a demandé 'pardon' aux victimes de la Shoah. Il a assumé sa faute 'morale', mais a distingué son travail de celui des bourreaux.
'Pour moi, il ne fait aucun doute que je partage une culpabilité morale', a déclaré l'ancien SS, âgé de 93 ans, lors d'une longue déposition livrée d'une voix ferme, appuyée sur des souvenirs précis. 'Je demande pardon', a-t-il affirmé.
'Concernant la question de la responsabilité pénale, c'est à vous de décider', a-t-il dit au tribunal de Lunebourg (nord). Il encourt trois à 15 ans de prison pour 'complicité de 300'000 meurtres aggravés' et pourrait être le dernier ancien nazi traduit en justice.
N'éludant aucune question, avec 70 ans de distance, il s'est raconté en jeune SS cantonné à des tâches administratives, dans un contexte de guerre, avec une connaissance limitée du génocide en cours.
Auschwitz depuis 1942
Oskar Gröning a évoqué son engagement volontaire dans les Waffen SS fin 1940. Il était désireux de 'participer' à l'effort de guerre dans un 'corps efficace'. Il a expliqué aussi son premier poste dans l'administration puis son transfert à Auschwitz en 1942, jusqu'à l'automne 1944.
'Je ne savais rien d'Auschwitz ni des autres camps de concentration avant d'y avoir travaillé', a-t-il souligné, pressé de questions. Evoquant le quotidien dans le camp en Pologne occupée, devenu le symbole mondial de la Shoah, il s'est efforcé de distinguer son travail de celui des gardiens directement impliqués dans l'extermination.
L'accusation lui reproche elle d'avoir 'aidé le régime nazi à tirer des bénéfices économiques des meurtres de masse' en envoyant l'argent des déportés à Berlin. Mais aussi d'avoir assisté à la 'sélection' séparant, à l'entrée du camp, les déportés jugés aptes au travail de ceux qui étaient immédiatement tués.
'Vols' et patrouilles
En 'gardant les bagages' du précédent convoi pour les soustraire aux yeux des nouveaux arrivants, le jeune sergent aurait évité un mouvement de panique et sciemment favorisé une mise à mort sans heurts, selon le parquet. 'Il y avait beaucoup de corruption et j'avais l'impression d'un marché noir' au sein du camp, s'est défendu Oskar Gröning, assurant avoir protégé les bagages 'des vols'.
Le vieil homme a par ailleurs insisté sur ses trois demandes de transfert au front, infructueuses, pour témoigner de ses tentatives de quitter le camp. Il s'est dit 'choqué' par sa découverte d'une extermination méthodique sans aucun rapport avec le contexte de guerre.
Juste après son arrivée, en novembre 1942, il avait vu un gardien tuer un bébé laissé seul 'en pleurs' sur la rampe d'arrivée. Trois semaines plus tard, patrouillant dans le camp, il avait entendu des cris 'de plus en plus forts et désespérés, avant de s'éteindre' dans les chambres à gaz, puis avait assisté à la crémation des corps.
Critique lancée par son avocat
Revenu vivre en Allemagne après la guerre, l'ancien comptable ne s'est jamais caché.
Son procès montre la sévérité accrue de la justice allemande à l'égard des derniers nazis encore vivants, depuis la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, ancien gardien de Sobibor, à cinq ans de prison. Ces procès tardifs contrastent avec le peu de condamnations, à des peines souvent faibles, prononcées pendant des décennies.
Hans Holtermann, avocat d'Oskar Gröning, estime que les actes de son client ne font pas de lui un complice des assassinats commis. Il rappelle que, jusqu'à une date récente, le système judiciaire allemand était d'accord avec cette analyse.
Quelque 1,1 million de personnes, dont environ un million de juifs européens, ont péri entre 1940 et 1945 à Auschwitz-Birkenau. Le 27 janvier, les dirigeants du monde entier, dont la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga, ont marqué avec quelque 300 derniers survivants le 70e anniversaire de la libération de ce camp par l'Armée soviétique.
/ATS