Des milliers d'habitants du Nagorny Karabakh se sont réfugiés en Arménie, malgré la promesse de l'Azerbaïdjan, réitérée lundi par son président Aliev, de garantir les droits des Arméniens qui resteront dans cette enclave conquise la semaine dernière par son armée.
Lundi soir, les autorités séparatistes ont par ailleurs fait état de l'explosion d'un dépôt de carburant qui a fait 'des morts et des blessés' au Nagorny Karabakh, sans être dans l'immédiat en mesure de donner un bilan précis ni préciser l'origine de l'explosion.
'Le nombre de blessés après l'explosion d'un dépôt de carburant dépasse les 200. La majorité sont dans un état grave ou très grave', a déclaré le chargé des droits de l'Homme de la république autoproclamée, Gegham Stepanyan, sur les réseaux sociaux.
'Les possibilités médicales (du Nagorny Karabakh) sont insuffisantes. Il faut que des avions médicalisés atterrissent au plus vite pour sauver des vies', a ajouté ce responsable de la région séparatiste à majorité arménienne en Azerbaïdjan, pays dont les forces armées viennent d'en reprendre le contrôle.
Toutes les personnes y vivant, 'quelle que soit leur ethnie, sont des citoyens de l'Azerbaïdjan. Leurs droits seront garantis par l'Etat azerbaïdjanais', a-t-il déclaré pendant une conférence de presse commune avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan au Nakhitchevan, une bande de terre nichée entre l'Arménie et l'Iran et rattachée à l'Azerbaïdjan en 1923.
'Nous espérons que l'Arménie saisira la main pacifique qui lui est tendue', a de son côté lancé M. Erdogan.
La visite du chef de l'Etat turc, qui joue un rôle majeur dans cette partie du Caucase, a une valeur symbolique forte, quelques jours seulement après la victoire éclair des soldats azerbaïdjanais contre les troupes de la 'république' autoproclamée du Nagorny Karabakh, une région en majorité peuplée d'Arméniens rattachée en 1921 à l'Azerbaïdjan par le pouvoir soviétique.
La Russie accuse l'Occident
La Russie, qui voit le Caucase comme son pré carré et a déployé il y a trois ans une force de maintien de la paix dans ce territoire disputé, a de son côté fermement rejeté lundi les critiques émises la veille par le premier ministre arménien Nikol Pachinian.
'Nous sommes catégoriquement contre les tentatives de faire porter une responsabilité sur la partie russe et les forces russes de maintien de la paix', a ainsi martelé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, rejetant toute 'reproche' sur des manquements supposés.
La diplomatie russe est allée jusqu'à accuser l'Arménie, 'otage des jeux géopolitiques de l'Occident', de chercher à 'détruire' les relations bilatérales, dénonçant une 'énorme erreur'.
Les Etats-Unis ont pour leur part estimé lundi soir que les événements avaient démontré que la Russie n'était pas un 'pas un partenaire de sécurité fiable'.
Le porte-parole du département d'Etat, Matthew Miller, a fait part de 'l'inquiétude profonde' des Etats-Unis concernant le sort des habitants arméniens du Nagorny Karabakh. Il a évoqué des 'discussions actives' sur l'envoi d'une 'mission internationale' visant à 'assurer la transparence, rassurer et donner confiance aux habitants' de la région.
L'Union européenne devait de son côté recevoir mardi à Bruxelles de hauts représentants de l'Arménie et de l'Azerbaïdjan, deux anciennes républiques soviétiques qui se sont affrontées militairement au Nagorny Karabakh de 1988 à 1994 (30'000 morts) et à l'automne 2020 (6500 morts).
A Erevan, comme tous les soirs depuis une semaine, des manifestants ont dénoncé l'inaction, selon eux, de M. Pachinian face à l'attaque de l'Azerbaïdjan. Ils étaient plusieurs milliers lundi soir, agitant le drapeau des séparatistes arméniens du Nagorny Karabakh sur la place centrale de la capitale arménienne.
Afflux de réfugiés
Pendant ce temps, l'afflux sur le sol arménien de réfugiés du Nagorny Karabakh s'est poursuivi lundi, avec d'immenses embouteillages signalés sur l'unique route reliant sa 'capitale' Stepanakert à l'Arménie.
Au total, ce sont 6650 personnes 'déplacées de force' de cette enclave qui sont entrées depuis dimanche en Arménie après la défaite des combattants séparatistes, selon le dernier bilan du gouvernement arménien.
Dans la ville arménienne de Goris, le centre humanitaire installé dans les locaux du théâtre municipal ne désemplit pas, a constaté un journaliste de l'AFP.
Toute la nuit, des réfugiés se sont succédé pour se faire enregistrer, trouver une solution d'hébergement ou un transport vers d'autres régions d'Arménie.
Anabel Ghoulassian, 41 ans, originaire du village de Rev (Chalva en azéri), vient d'arriver en minibus à Goris avec cinq de ses sept enfants. Au début des combats, la semaine dernière, ils sont tous allés chercher protection dans la base russe de l'aéroport de Stepanakert. Mais ils s'en sont fait expulser après la première nuit et ont ensuite vécu dans un bâtiment abandonné sans toit.
'C'étaient des jours horribles, on était simplement assis les uns à côté des autres. Riches ou pauvres, tous au même endroit', a-t-elle raconté.
Situation humanitaire tendue
L'Azerbaïdjan s'est pour sa part engagé à permettre aux rebelles qui rendraient leurs armes d'aller en Arménie.
Beaucoup craignent que les Arméniens fuient massivement le Nagorny Karabakh, au moment où les forces azerbaïdjanaises resserrent leur emprise.
Car outre l'angoisse qui règne parmi les quelque 120'000 habitants de cette région, la situation humanitaire y demeure très tendue.
Côté azerbaïdjanais, dans les localités proches du Nagorny Karabakh, comme Terter et Beylagan, beaucoup de ceux qui ont dû par le passé quitter cette région veulent y résider à nouveau.
Sur le terrain, les pertes continuent d'augmenter puisque l'Azerbaïdjan a déploré lundi la mort de deux de ses soldats la veille dans l'explosion d'une mine, tandis que, selon, les Arméniens 200 personnes ont péri dans les affrontements de la semaine dernière.
/ATS