Les candidats à l'investiture présidentielle de la droite ont confronté jeudi soir leurs programmes et leurs tempéraments lors du premier débat de la primaire. Affaires judiciaires et inimitiés tenaces ont brouillé l'enjeu malgré leurs efforts pour éviter le pugilat.
Alain Juppé, favori des sondages, et Nicolas Sarkozy, pour qui il devient urgent d'enrayer une dynamique défavorable, ont décliné une partition connue.
Le maire de Bordeaux et ancien Premier ministre (1995-1997) a plaidé pour un 'Etat fort' à même de remettre la France sur la voie du 'plein-emploi' et de l''optimisme'. L'ancien président (2007-2012) défend lui 'une France de l'action' succédant à 'la France du bavardage' dans une 'alternance forte, énergique, immédiate, concrète' au service de 'la majorité silencieuse'.
Dans ces deux registres éprouvés, les deux hommes se sont neutralisés. Alain Juppé a stratégiquement opté pour une prudente réserve, Nicolas Sarkozy, crispé tout au long de l'exercice, pour un volontarisme rappelant les campagnes de 2007 et 2012.
Outsiders au rendez-vous
Ce sont les 'outsiders' qui ont ménagé surprise et intérêt, notamment le plus méconnu d'entre eux, le président du Parti chrétien-démocrate Jean-Frédéric Poisson. Crédité de 0,5% à 2% dans les sondages, il a marqué sans complexe ses différences, sur le revenu universel, la laïcité ou les fichés S.
La seule candidate, Nathalie Kosciusko-Morizet ancienne ministre de l'Ecologie de Nicolas Sarkozy, a invité les électeurs à refuser la 'nostalgie': 'Le recyclage, ça marche pour les déchets, pas pour les idées'.
'Passez à autre chose', a déclaré pour sa part l'ancien ministre de l'Agriculture Bruno Le Maire qui s'est efforcé difficilement de déclarer hors-jeu 'le clan des redoublants'. 'Si vous voulez continuer comme avant, vous avez tout ce qu'il faut sur ce plateau', a-t-il lancé en préambule, à quelque distance des pupitres d'Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.
'On a gouverné ensemble pendant cinq ans', leur a rappelé l'ancien président au début des échanges. François Fillon, ancien Premier ministre (2007-2012) a quant à lui promis d'être 'le président de l'action et le président de l'honnêteté pour que les Français retrouvent la fierté dans leurs dirigeants', sans préciser de qui il faisait le portrait en creux.
Copé offensif
La palme de l'offensive, au risque parfois de l'agressivité, revient à Jean-François Copé, crédité de 2% dans les sondages les plus flatteurs. Il a joué son va-tout en décochant plusieurs traits à Nicolas Sarkozy, à sa droite, auquel il ne pardonne pas de l'avoir mis en cause dans l'affaire Bygmalion.
D'emblée, le député-maire de Meaux, qui dirigea la majorité à l'Assemblée sous Nicolas Sarkozy, s'en est pris à celui-ci en l'accusant de ne pas avoir honoré ses engagements. 'Il y a dix ans, en 2007, j'avais comme des millions de Français espéré en la rupture que proposait Nicolas Sarkozy pour notre pays (...). Cette rupture, malheureusement on l'a pas faite', a-t-il lancé.
Justice
Quant à ses déboires judiciaires, Nicolas Sarkozy a assuré qu'il était blanc comme neige : 'Mon casier judiciaire, après 37 ans de vie politique, est vierge', a-t-il souligné. L'ancien président est inculpé dans deux affaires distinctes qui empoisonnent sa campagne.
Son principal rival, Alain Juppé, a pour sa part assumé une condamnation, en 2004, à un an d'inéligibilité dans une affaire d'emplois fictifs. Si les Français 'estiment que ma faute me disqualifie, ils ne m'éliront pas', a-t-il dit.
Le débat a porté sur les thèmes de l'immigration et de la sécurité, ainsi que les questions économiques.
François Hollande
Tout à leur volonté de dérouler leur programme, les candidats en ont presque oublié de critiquer le gouvernement et le président socialiste François Hollande, très impopulaire depuis son élection en 2012. Ce dernier ne dira qu'en décembre s'il compte briguer un second mandat.
Cette première joute doit être 'un débat, pas un pugilat comme aux États-Unis', ce qui 'donnerait une image désespérante de la vie publique', avait souligné avant le débat Thierry Solère, président du comité d'organisation de la primaire, en référence à la vulgarité inédite du duel américain Clinton-Trump.
L'enjeu de cette primaire est majeur. Au vu du marasme à gauche, son vainqueur a toutes les chances, selon les sondages, de remporter le deuxième tour de la présidentielle en mai face à la candidate du parti d'extrême droite Marine Le Pen.
Deux autres débats à sept sont prévus les 3 et 17 novembre et un dernier, entre les finalistes, le 24.
/ATS