Aéroport encombré, menaces sur la sécurité, morts dans le chaos: une semaine après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan, des milliers de personnes tentent toujours dimanche de fuir leur pays. Les opérations d'évacuation des pays étrangers se poursuivent.
Les scènes de panique et de désespoir, qui se succèdent depuis une semaine à l'aéroport de Kaboul, ont provoqué la mort de civils. Sept Afghans sont morts dans la cohue, a indiqué dimanche le ministère britannique de la Défense sans plus de précisions. La veille, des images tournées par Sky News montraient les corps d'au moins trois personnes, vraisemblablement écrasées par la foule.
Depuis le 14 août, environ 25'100 personnes ont été évacuées d'Afghanistan à bord d'avions militaires américains et de pays alliés, selon la Maison Blanche. Dans une interview à la chaîne ABC, le président Joe Biden a indiqué que les Etats-Unis prévoyaient d'évacuer tous les Américains (entre 10'000 et 15'000 personnes selon certaines estimations), et espéraient pouvoir faire de même pour les alliés afghans et leurs familles (entre 50'000 et 65'000 personnes).
'Les Américains veulent sortir 60'000 personnes avant la fin du mois. C'est mathématiquement impossible', a néanmoins jugé le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell.
Les Etats-Unis ont par ailleurs arrangé le transfert de nombreux évacués vers leur base militaire de Ramstein en Allemagne, en complément des évacuations vers les pays de la région comme le Qatar. Quelque 5000 personnes, américaines et afghanes, évacuées de Kaboul, ont atterri jusqu'ici sur la base de Ramstein. En fait partie une Afghane qui a donné naissance à une petite fille dans un avion militaire américain.
Les Etats-Unis ont aussi réquisitionné les avions de plusieurs compagnies aériennes privées afin d'aider à l'évacuation des personnes fuyant l'Afghanistan. Le temps presse d'autant plus que le gouvernement américain a confirmé dimanche la réalité d'une menace d'attaque de l'organisation terroriste Etat islamique (EI) à l'aéroport de Kaboul ou dans ses environs.
'Pas de temps à perdre'
Des milliers de personnes ont déjà été exfiltrées à bord d'appareils dépêchés dans l'urgence par les pays occidentaux. Le but: évacuer leurs ressortissants, leur personnel diplomatique et les citoyens afghans qui ont travaillé avec eux et craignent des représailles des talibans, ainsi que leurs proches.
Mais 'aucune nation ne pourra évacuer tout le monde', a déclaré dans le Mail on Sunday le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, alors que le temps presse avant le 31 août, date fixée par l'administration américaine pour le retrait définitif de ses forces d'Afghanistan.
Les Etats-Unis sont responsables du chaos à l'aéroport et cela doit cesser 'le plus tôt possible', a estimé de son côté dimanche un haut responsable taliban. 'L'Amérique, avec toute sa puissance et ses équipements (...), a échoué à ramener l'ordre à l'aéroport. Il y a la paix et le calme dans tout le pays, mais il n'y a que le chaos à l'aéroport de Kaboul (...) Cela doit cesser le plus tôt possible', a déclaré Amir Khan Mutaqi.
Les talibans ont toutefois accepté que l'armée américaine supervise les évacuations, ce qui leur permet de se focaliser sur la manière dont ils entendent gouverner le pays après le départ des forces étrangères. Des responsables talibans ont affirmé travailler à l''établissement d'un gouvernement inclusif'.
Rotations aériennes tous azimuts
Plus de 7000 personnes ont été évacuées d'Afghanistan vers le Qatar, selon l'Etat du Golfe. Les Emirats arabes unis disent pour leur part avoir facilité la sortie de 8500 personnes, que ce soit avec leurs propres avions ou l'utilisation de leurs aéroports. Selon l'ambassadeur américain au Koweït dimanche, le pays a permis l'évacuation de 850 citoyens américains et membres du personnel diplomatique aux Etats-Unis.
Selon le ministre italien des Affaires étrangères Luigi Di Maio, environ 1600 civils afghans ont été évacués par l'Italie en moins d'une semaine - sur un objectif de 2500. Le Royaume-Uni a évacué près de 4000 personnes d'Afghanistan depuis le 13 août, à l'aide de plus d'un millier de soldats britanniques, selon le ministère de la Défense.
Le Danemark dit avoir évacué 450 personnes, dont environ 30 interprètes afghans ayant travaillé pour ce pays. Plus de 350 personnes 'ont à présent atterri en Pologne en provenance d'Afghanistan', a déclaré de son côté dimanche le vice-ministre polonais des affaires étrangères, Marcin Przydacz.
Depuis une semaine, l'armée française a transporté environ 600 personnes, principalement des Afghans, sur cinq vols depuis Kaboul. Un sixième vol est attendu dimanche soir. Madrid et Washington ont annoncé dimanche l'utilisation des bases militaires espagnoles de Moron et Rota (Sud) pour accueillir les collaborateurs afghans des Etats-Unis en transit.
Un avion espagnol parti d'Afghanistan est arrivé dans la nuit de samedi à dimanche à Torrejon de Ardoz, près de Madrid, avec 46 collaborateurs de l'Espagne et 64 des Etats-Unis en transit, selon le gouvernement espagnol. Deux autres avions militaires espagnols sont partis dimanche matin de Kaboul pour Dubaï puis l'Espagne avec 177 personnes évacuées au total.
G7
Boris Johnson a annoncé une réunion virtuelle des dirigeants du G7 sur la situation en Afghanistan mardi. Depuis la prise de Kaboul par les talibans, le Premier Ministre britannique s'est entretenu avec plusieurs dirigeants dont le président turc Recep Tayyip Erdogan dimanche.
Ils ont notamment 'convenu que les pays devaient s'engager à partager le fardeau en matière d'aide et de réfugiés, notant que la coordination des Nations Unies serait au coeur de cet effort'. Samedi, le président turc avait affirmé que son pays ne pourrait supporter 'un fardeau migratoire supplémentaire' provenant de l'Afghanistan.
Le président russe Vladimir Poutine a lui appelé dimanche à empêcher un afflux de réfugiés en provenance d'Afghanistan, parmi lesquels pourraient se cacher des 'combattants déguisés'. Le président turc Recep Tayyip Erdogan a affirmé que la Turquie ne pourrait 'endosser la responsabilité des pays-tiers' pour accueillir les Afghans ayant travaillé pour les institutions occidentales qui sont aujourd'hui menacés.
Quant à l'Organisation de la coopération islamique (OCI), qui craint que l'Afghanistan ne devienne un 'refuge terroriste', elle a appelé à un dialogue inclusif pour résoudre la crise en cours. Elle a également alerté sur la situation humanitaire dans le pays face à l'augmentation du nombre de déplacés et de réfugiés.
Le nombre de personnes déplacées à l'intérieur de l'Afghanistan a augmenté massivement depuis le début de l'année, selon les données du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies. Entre janvier et le début du mois d'août, plus de 550'000 personnes dans le pays en crise ont fui leurs villes et villages en raison des combats, contre 165'000 à la même période l'année dernière.
/ATS