Une attaque à la grenade a marqué le premier anniversaire du coup d'Etat qui a plongé la Birmanie dans la violence. Deux personnes sont mortes et 38 ont été blessées lors d'un rassemblement de soutien à la junte dans la ville de Tachilek.
Mais sinon les rues sont restées vides. Des habitants, retranchés dans leur domicile, applaudissant en signe de défi à la junte.
Rangoun, la capitale économique, est restée déserte, de nombreux magasins gardant porte close. L'appel à la grève silencieuse, lancé par les opposants au régime, a été très suivi à travers toute la Birmanie, de l'Etat Shan (est) à l'Etat Kachin (nord) en passant par Mandalay (centre).
'Le silence est le cri le plus fort que nous pouvons lancer contre les soldats et leur sanglante répression', a écrit une opposante sur Twitter. Des photos de Birmans restés chez eux et saluant à trois doigts en signe de résistance ont afflué sur les réseaux sociaux.
En fin d'après-midi, des applaudissements soutenus ont retenti dans plusieurs villes pour marquer la fin de la grève silencieuse, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Les autorités ont averti que de telles actions pourraient être qualifiées de haute trahison, un crime passible de longues années de détention. A Rangoun, dix personnes ont été arrêtées, selon des médias locaux.
Promesse d'élections
Des manifestations pro-militaires dans des régions non spécifiées du pays ont eu lieu, d'après des vidéos non datées fournies par les autorités. Des partisans du régime ont brandi le drapeau national et dénoncé les 'Forces de défense du peuple', ces milices citoyennes qui mènent régulièrement des opérations de guérilla contre les militaires.
De son côté, le chef de la junte, Min Aung Hlaing, a promis d'organiser des élections 'libres et équitables (...) dès que la situation serait pacifiée et stabilisée'. Depuis son coup d'Etat contre Aung San Suu Kyi, plus de 1500 civils ont été tués et près de 9000 sont détenus dans les geôles du régime, d'après un observatoire local qui dénonce des cas de viols, de torture et d'exécutions extrajudiciaires.
Pressions internationales
Face à cette spirale de violence, la communauté internationale a accru lundi la pression sur les généraux. L'ONU a fait savoir qu'elle enquête sur des crimes contre l'humanité. 'La justice internationale a la mémoire très longue', a averti Nicholas Koumjian, à la tête du Mécanisme onusien d'enquête indépendant pour la Birmanie.
L'émissaire de l'ONU pour la Birmanie, Noeleen Heyzer, a plaidé pour la tenue prochaine d'une 'réunion humanitaire' avec 'la plupart des parties prenantes' au conflit. Mardi, l'organisation a fait savoir qu'elle avait besoin de 826 millions de dollars pour répondre aux besoins humanitaires de millions de Birmans, le plus important appel de fonds jamais effectué pour la Birmanie, selon un porte-parole.
Dans une déclaration commune, les ministres des affaires étrangères d'Australie, des Etats-Unis, ou encore de l'Union européenne ont exhorté la communauté internationale à mettre un terme 'au flux d'armes' vers la Birmanie.
Des déclarations jugées trop timides par de nombreux experts qui exhortent les Nations unies à décréter un embargo mondial sur les armes. 'Le fait qu'une année se soit écoulée sans qu'aucune résolution du Conseil de sécurité n'impose un (tel) embargo est inacceptable', a déclaré Tom Andrews, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits humains en Birmanie.
Les Etats-Unis ont de leur côté imposé, en coordination avec le Royaume-Uni et le Canada, de nouvelles sanctions financières. Sont notamment ciblés les plus hauts responsables judiciaires du pays, le procureur général Thida Oo, le président de la Cour suprême Tun Tun Oo et le chef de la commission anti-corruption Tin Oo.
'Tant que le régime privera le peuple de Birmanie de sa voix démocratique, nous le ferons payer aux militaires et à leurs partisans', a mis en garde le président américain Joe Biden. 'Je dis au peuple birman: nous n'avons pas oublié votre combat'.
Chaos
Depuis le putsch qui a mis fin à une décennie de transition démocratique, Aung San Suu Kyi, 76 ans, est assignée à résidence dans un endroit tenu secret. La prix Nobel de la paix est visée par une multitude de chefs d'accusation (violation d'une loi sur les secrets d'État datant de l'époque coloniale, fraude électorale, sédition, incitation aux troubles publics, corruption...).
Lundi, elle a été de nouveau inculpée, accusée cette fois d'avoir fait pression sur la commission électorale lors des législatives de 2020 remportées massivement par son parti et annulées depuis par la junte. Déjà condamnée à six ans de prison, elle risque des décennies de détention au terme de son procès.
Le pays a plongé dans le chaos ces douze derniers mois. La rébellion, menée par des milices citoyennes et des factions ethniques, s'intensifie, poussant la junte à encore durcir sa répression. Ces violences ont déjà fait plusieurs centaines de milliers de déplacés.
/ATS