Paul Manafort, l'ex-directeur de campagne du président américain Donald Trump, a été condamné jeudi à 47 mois de prison pour fraudes financières lors du premier procès né de l'enquête russe. Il écope d'une peine nettement inférieure aux recommandations des procureurs.
Ceux-ci avaient suggéré au juge d'imposer entre 19 et 24 ans de prison à l'ancien lobbyiste. M. Manafort, bientôt 70 ans, 'a commis des délits graves', a tout de même reconnu le juge, qui a fixé la sentence dans un tribunal fédéral d'Alexandria, en Virginie, dans la banlieue de Washington.
Prenant en compte la jurisprudence 'remarquablement légère' dans les affaires de fraude fiscale, le magistrat a justifié son apparente clémence par son désir 'd'éviter des disparités' avec d'autres dossiers similaires.
'Ce que vous avez vu aujourd'hui confirme ce que nous disons depuis le premier jour: il n'y a absolument aucune preuve d'une collusion entre Paul Manafort et le gouvernement russe', a déclaré à la sortie du tribunal l'avocat du condamné.
Une deuxième peine mercredi
L'équipe du procureur spécial Robert Mueller, en charge d'établir s'il y eu collusion entre Moscou et l'équipe de campagne de Donald Trump lors de la présidentielle de 2016, n'a pas commenté une décision qui va largement en deçà de ses préconisations. Il avait demandé une peine significative en relevant que Paul Manafort avait 'tenté de reporter sa faute sur les autres', n'avait pas exprimé de remords et continué à mentir.
Même s'il s'en sort relativement bien, Paul Manafort n'en a pas fini avec la justice. Poursuivi devant un tribunal de Washington dans un dossier parallèle, il sera fixé mercredi sur sa seconde peine.
Le procureur Mueller s'est naturellement intéressé à Paul Manafort, qui a dirigé pendant deux mois la campagne du candidat républicain, mais a aussi au cours de sa carrière entretenu des relations d'affaires avec des Ukrainiens proches de Moscou.
Dans le cadre de son enquête, l'ancien chef du FBI a découvert que Paul Manafort avait, avant 2016, dissimulé au fisc plus de 55 millions de dollars sur une trentaine de comptes à l'étranger. Il a également établi que le consultant avait trompé des banques sur ses finances pour obtenir des prêts.
Goûts de luxe
Ce sont ces fraudes qui ont été jugées cet été à Alexandria devant un jury populaire qui l'avait reconnu coupable de huit chefs d'inculpation. Les audiences avaient révélé les goûts de luxe de l'ancien lobbyiste - il a un jour déboursé 15'000 dollars pour une veste en peau d'autruche et fait tailler un bosquet en forme de son initiale 'M'.
Jeudi, l'élégant homme de réseau n'était plus que l'ombre de lui-même. Affaibli par la goutte et la détention, il est apparu en fauteuil roulant et tenue verte de prisonnier, incapable de se lever devant le juge.
'Ma vie professionnelle et financière est en ruine. Je ressens de la peine et de la honte', a-t-il déclaré, en expliquant avoir eu 'le temps de réfléchir' depuis son arrestation. 'Je sais que c'est ma conduite qui m'a mené ici', a-t-il ajouté, sans aller jusqu'à s'excuser.
Dans le cadre de ses investigations, le procureur Mueller a aussi démontré que Paul Manafort avait dissimulé ses activités de conseil pour l'ancien président ukrainien Viktor Ianoukovitch, soutenu par Moscou, en infraction des règles encadrant les activités de lobbying.
Mensonges aux enquêteurs
C'est ce volet qui fait l'objet d'une procédure distincte devant un tribunal fédéral de Washington. Dans ce dossier, M. Manafort a accepté en septembre de plaider coupable et de coopérer avec Robert Mueller dans l'espoir d'une peine amoindrie.
Mais, selon la justice, il n'a pas tenu ses engagements et a continué à mentir aux enquêteurs, notamment sur ses liens avec un ancien associé, Konstantin Kilimnik, soupçonné par les Etats-Unis d'être lié aux services de renseignements russes. Il lui aurait notamment transmis des sondages électoraux pendant la campagne présidentielle.
S'il écopait d'une sentence sévère, il lui resterait un espoir: Donald Trump a fait savoir qu'il n'excluait pas de lui accorder une grâce présidentielle. En novembre, le milliardaire républicain avait loué le 'courage' de son ancien directeur de campagne, l'un des rares selon lui à résister aux pressions de Robert Mueller, qu'il accuse de mener une injuste 'chasse aux sorcières'.
/ATS