Seize Etats américains ont fait recours en justice lundi contre la décision du président américain Donald Trump de décréter l'urgence nationale pour construire un mur à la frontière avec le Mexique. La plainte a été déposée devant un tribunal fédéral à San Francisco.
Selon les plaignants, le 45e président des Etats-Unis a 'plongé le pays dans une crise constitutionnelle de son propre fait'. La plainte affirme que l'ordonnance du président contrevient à deux dispositions constitutionnelles, l'une définissant les procédures législatives, l'autre attribuant au congrès le dernier mot en matière de financement public.
Les plaignants remettent en cause le caractère d'urgence en se fondant sur des données publiées par des ministères ou administrations fédérales, comme les douanes (CBP) qui écrivent que 'les entrées illégales sont au plus bas depuis 45 ans'.
'Le département d'Etat reconnaît qu'aucune preuve crédible n'établit que les terroristes utilisent la frontière sud pour pénétrer aux Etats-Unis. Les données fédérales confirment que les immigrants ont moins tendance à commettre des crimes que les Américains nés dans le pays', précise le texte.
Demande de suspension
La plainte avance également que le ministère la sécurité intérieure a enfreint la loi sur la protection de l'environnement en n'évaluant pas l'impact environnemental du mur en Californie et au Nouveau-Mexique. Le recours contient par ailleurs une demande de suspension en référé de la déclaration d'urgence tant que se poursuit la bataille judiciaire, selon le quotidien Washington Post.
Dès vendredi, les bastions démocrates de New York et de Californie avaient annoncé qu'ils allaient saisir les tribunaux. Ils ont été rejoints dans cette initiative par quatorze autres Etats, soit le Colorado, le Connecticut, le Delaware, Hawaï, l'Illinois, le Maine, le Maryland, le Michigan, le Minnesota, le Nevada, le New Jersey, le Nouveau-Mexique, l'Oregon et la Virginie.
Au congrès, la puissante commission judiciaire de la chambre des représentants, contrôlée par les démocrates, avait annoncé vendredi l'ouverture 'immédiate' d'une enquête parlementaire.
Le procureur général de Californie a expliqué que son Etat et d'autres étaient dans leur droit, car ils risquaient de perdre de l'argent destiné notamment à des projets militaires et à l'aide d'urgence en cas de catastrophe.
Pas d'urgence
Selon lui, la construction de ce mur frontalier n'a aucun caractère d'urgence, et 'la meilleure preuve est probablement contenue dans les propres mots du président'. 'Je n'avais pas besoin de faire cela, mais je préfère que cela aille vite', avait en effet lâché Donald Trump au cours de sa conférence de presse consécutive à sa décision, à propos de la construction du mur.
Alors que les candidatures se multiplient du côté démocrate en vue des primaires à la présidentielle de 2020, le républicain espère galvaniser sa base électorale sur la question de l'immigration. Et une guérilla judiciaire pourrait y contribuer.
Sauf suspension par décision de justice, la déclaration d'urgence nationale devrait permettre à Donald Trump de contourner le congrès afin de débloquer des fonds fédéraux (notamment destinés au Pentagone) et construire le mur censé endiguer l'immigration clandestine.
Huit milliards
Au total, et en comptabilisant les 1,4 milliard de dollars débloqués par le congrès, il pourrait, selon la Maison-Blanche, disposer de quelque 8 milliards pour la réalisation d'une de ses principales promesses de campagne. Le désaccord entre le camp Trump et les démocrates a entraîné un 'shutdown' (fermeture partielle de l'administration fédérale) record de 35 jours.
Au-delà des démocrates, plusieurs sénateurs républicains ont critiqué la déclaration d'urgence en affirmant qu'elle créait un précédent dangereux et outrepassait les pouvoirs de l'exécutif.
Des experts en droit ont critiqué la décision du président. Toutefois, la loi de 1976 qui l'a rendue possible 'ne donne aucune limite explicite à ce qui constitue ou pas une urgence nationale', a expliqué à l'AFP Jennifer Daskal, professeur de droit à l'American University.
Des présidents américains ont déjà eu recours à cette procédure, mais face à des menaces paraissant plus immédiates, comme le républicain George W. Bush après les attentats du 11 septembre 2001 ou le démocrate Barack Obama en pleine épidémie de grippe H1N1.
/ATS