Donald Trump a annoncé vendredi qu'il déclarait l''urgence nationale', une procédure exceptionnelle pour financer le mur qu'il a promis à la frontière mexicaine. Il a ainsi ouvert une féroce bataille judiciaire avec ses opposants.
'Tout le monde sait que les murs fonctionnent', a martelé le président des Etats-Unis depuis les jardins de la Maison Blanche, évoquant une 'invasion' de migrants en situation illégale.
Cette procédure lui permet théoriquement de contourner le Congrès afin de débloquer des fonds fédéraux - notamment destinés au Pentagone - pour construire son ouvrage-phare contre l'immigration clandestine.
Au total, et en comptabilisant les 1,4 milliard de dollars débloqués par le Congrès, il pourrait, selon la Maison Blanche, disposer de quelque 8 milliards pour la construction de cet édifice maintes fois promis sur les estrades de campagne
Initiative anticonstitutionnelle
Les chefs de l'opposition démocrate ont immédiatement dénoncé une initiative anticonstitutionnelle. Ils ont nié l'existence d'une urgence humanitaire ou sécuritaire à la frontière imposant une telle mesure extrême.
'La déclaration illégale du président, partant d'une crise qui n'existe pas, porte un coup violent à notre Constitution et rend l'Amérique moins sûre, en volant dans les financements de la Défense dont on a besoin de toute urgence pour la sécurité de nos militaires et de notre nation', ont écrit Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants, et Chuck Schumer, chef de la minorité démocrate au Sénat.
Poursuites lancées
Le président a confié s'attendre à ce que des poursuites judiciaires soient lancées contre sa déclaration d'urgence nationale. 'Heureusement nous allons gagner', a-t-il ajouté, affichant une confiance sans doute confortée par les juges conservateurs qu'il a nommés à la Cour suprême, l'instance judiciaire suprême du pays.
L'Etat de New York, un bastion démocrate, a en effet très vite déclaré qu'il allait saisir les tribunaux. 'La Californie vous donne rendez-vous devant la justice', a lancé de son côté le gouverneur de Californie Gavin Newsom.
Reste que l'initiative présidentielle ne fait pas non plus l'unanimité dans le camp républicain.
Dirigeant affaibli
Les opposants de Donald Trump voient dans cette décision la basse manoeuvre politique d'un président affaibli par la perte de la Chambre des représentants en novembre et son recul fin janvier dans le bras de fer qu'il avait engagé sur l'immigration.
La Maison Blanche assure de son côté que cette initiative est la marque d'un homme qui n'oublie pas ses promesses. Donald Trump, les yeux rivés sur la présidentielle de 2020, espère qu'elle lui permettra, une nouvelle fois, de galvaniser sa base sur la question de l'immigration.
La décision du dirigeant, qui devait s'envoler dans l'après-midi pour son club luxueux de Mar-a-Lago, en Floride, s'accompagne de celle de signer un compromis budgétaire obtenu de haute lutte au Congrès, qui marque la fin de longues tractations entre démocrates et républicains afin de financer les services publics fédéraux.
Précédents
Plusieurs présidents des Etats-Unis ont par le passé eu recours à ces moyens exceptionnels, mais dans des circonstances beaucoup moins controversées.
Jimmy Carter avait invoqué l'urgence après la prise d'otages à l'ambassade américaine de Téhéran en 1979. George W. Bush l'avait fait après les attentats du 11 septembre 2001. Et Barack Obama y avait eu recours lors de l'épidémie de grippe H1N1.
'Scandaleux'
Pour Peter Schuck, professeur émérite de droit à l'université de Yale, 'le fait que le président puisse avoir le pouvoir de gaspiller des milliards de dollars au nom d'une promesse de campagne idiote est, en soi, scandaleux'.
Il estime que le Congrès devrait définir plus rigoureusement les conditions dans lesquelles le président peut avoir recours au 'National Emergencies Act', voté en 1976.
Avant de s'envoler pour la Floride, Donald Trump a signé la loi de financement approuvée jeudi à une large majorité au Sénat, contrôlé par les républicains, puis à la Chambre des représentants, contrôlée par les démocrates.
Elle ne comprend qu'un quart du budget qu'il réclamait pour son édifice frontalier (1,4 milliard de dollars contre 5,7 milliards). Et elle ne mentionne pas le mot 'mur', lui préférant 'barrière' ou 'clôture'.
/ATS