Les autorités de poursuites pénales devraient obtenir davantage d'informations d'une trace ADN grâce au phénotypage. En plus du sexe de l'auteur d'un crime, elles pourront aussi déceler la couleur des yeux, des cheveux et de la peau, ainsi que l'origine et l'âge.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur les profils d'ADN en 2005, la science a fait des progrès considérables, a relevé vendredi la ministre de la justice et police Karin Keller-Sutter devant la presse. Ces progrès doivent servir aux enquêtes des autorités de poursuites pénales.
Plusieurs pays recourent déjà avec succès au phénotypage, une méthode qui permet de déterminer certaines caractéristiques morphologiques sur la base de l'ADN. C'est le cas notamment des Pays-Bas, a souligné la conseillère fédérale. Pour cette raison, le Conseil fédéral a transmis vendredi au Parlement sa révision de la loi sur les profils d'ADN.
Les caractéristiques concernées seront énumérées de manière exhaustive dans la loi. En fonction des avancées techniques, le gouvernement pourra autoriser ultérieurement des caractéristiques physiques supplémentaires si la fiabilité de leur mise en évidence est établie.
Garde-fous
Le gouvernement pose des règles claires: le phénotypage devra être ordonné par le ministère public et ne pourra être utilisé que pour élucider des crimes, c'est-à-dire des infractions passibles d'au moins trois ans de privation de liberté, comme le viol, le rapt ou l'assassinat. Ses résultats ne pourront servir aux enquêtes que dans une affaire précise en cours et ils ne seront pas enregistrés dans la banque de données fondée sur les profils d'ADN.
Le phénotypage ne constitue pas une 'solution miracle', ni un moyen de preuve, a reconnu Mme Keller-Sutter. C'est une technique qui s'ajoute aux déclarations des témoins ou aux images de vidéosurveillance. Il doit permettre de donner une direction à une enquête si celle-ci est au point mort.
Selon le message, il permet de dire 'avec une certaine probabilité (la plus grande possible)' que le suspect appartient au groupe de personnes qui ont par exemple les cheveux bruns ou les yeux marron clair ou dont l'âge se situe entre 35 et 45 ans. Ces éléments peuvent être 'déterminants' pour l'enquête, selon Mme Keller-Sutter.
Pas de risque de 'profilage racial'
Interrogées sur les risques de discrimination ou de 'profilage racial', les autorités se sont voulues rassurantes. Les témoins oculaires ont tendance à voir les criminels plus grands et plus 'noirs' qu'ils ne le sont en réalité, a relevé la directrice de l'Office fédéral de la police (fedpol) Nicoletta della Valle. Le phénotypage est plus neutre.
Il permet aussi de mettre hors de cause certaines personnes, a ajouté Mme della Valle. Après le viol et le meurtre d'une adolescente en 1999 aux Pays-Bas, les soupçons s'étaient d'abord tournés vers les résidents d'un centre de requérants d'asile voisin, provoquant une poussée de xénophobie. Treize ans plus tard, le phénotypage a pu montrer que l'assassin était de type européen. Il s'agissait d'un paysan de la région.
Cette modification de la loi répond à une motion du Conseil national, déposée suite au viol non élucidé d'une jeune femme en 2015 à Emmen (LU).
Ultima ratio
Le Conseil fédéral profite de cette révision de la loi pour autoriser la recherche élargie en parentèle. Grâce à une décision du Tribunal pénal fédéral de 2015, les enquêteurs peuvent déjà utiliser cette méthode. Elle sera désormais formellement inscrite dans la loi.
Des recherches en parentèle peuvent être menées en dernier recours, lorsqu'une recherche ADN ne permet pas d'identifier l'auteur d'un crime. Les enquêteurs peuvent alors élargir leurs investigations pour voir si la trace ADN présente une similitude avec d'autres personnes. Il s'agirait alors d'un proche parent de l'auteur de la trace.
Les délais d'effacement des profils d'ADN dans la banque de données ad hoc font aussi l'objet d'une modification. Ils ne dépendront plus de la durée de la peine, mais ils seront fixés une fois pour toutes dans le jugement même et ne seront plus modifiés.
/ATS