La révision du Code de procédure pénale s'annonce moins ambitieuse que prévu. Le Conseil national a adopté jeudi par 139 voix contre 54 un projet largement revu à la baisse. Il a aussi rejeté une pléthore d'amendements de l'UDC.
Il y a dix ans, le Code de procédure pénale a été harmonisé en Suisse. Il s'est attiré des critiques. Certains ont dénoncé la surcharge administrative imposée à la police. Reste que tous les partis sont d'accord pour corriger les scories apparues en dix ans de pratique. Avec des différences notables sur l'ampleur à donner à cette mise à jour.
Il s'agit d'un équilibre à trouver entre la recherche de la vérité et la protection des droits fondamentaux des citoyens, a rappelé pour la commission Baptiste Hurni (PS/NE). 'Cet équilibre n'est pas affaire de spécialistes mais bel et bien une décision politique', a-t-il dit.
Insuffisant selon l'UDC
L'UDC a ainsi plaidé pour donner plus de poids aux autorités de poursuite pénales. 'Nous souhaitons la protection des victimes', a déclaré Pirmin Schwander (UDC/SZ) pour qui le projet était insuffisant. Mais ses propositions de renvoi au Conseil fédéral ont été balayées.
La gauche, le Centre et le PLR ont en revanche plaidé pour le respect des droits des justiciables. Il faut toujours garder à l'esprit la présomption d'innocence, soit le fondement d'une justice équitable, a dit Min Li Marti (PS/ZH).
Le National a ainsi refusé par 103 voix contre 85 une proposition du Conseil fédéral visant à restreindre le droit pour le prévenu d'assister à l'administration des preuves pendant toute la procédure. Ceux-ci n'auraient pu être admis que s'ils avaient préalablement fait une déclaration 'substantielle'.
'Il faut respecter le droit au silence du prévenu, qui serait remis en cause avec une telle disposition', a déclaré Philipp Bregy (Centre/VS). Ce droit est le contrepoids indispensable aux pouvoirs accrus donnés aux ministères publics en 2011, a expliqué Christian Lüscher (PLR/GE).
Avec sa proposition le Conseil fédéral voulait éviter les risques de collusion entre coprévenus. L'UDC a aussi rappelé que la présence de l'inculpé pouvait intimider des témoins ou des victimes. En vain.
Pas de droit de recours
Les Ministères publics n'auront pas de droit de recours contre les décisions du tribunal des mesures de contrainte en matière de détention provisoire ou pour motifs de sûreté. Les députés ont rejeté par 98 voix contre 89 la proposition du Conseil fédéral.
Le Tribunal fédéral a créé cette voie de recours dans sa jurisprudence. Mais elle ne respecte pas la CEDH. Il faut en rester au statu quo qui donne le droit de recours exclusivement au prévenu.
Profils ADN
Les conditions pour l'utilisation des profils ADN de suspects seront facilitées. De tels profils déjà autorisés pour des infractions qui font l'objet d'une procédure en cours pourront aussi être établis pour des infractions commises dans le passé. Il suffira pour cela qu'il existe une 'certaine probabilité' en ce sens.
'Il s'agit de donner tous les moyens nécessaires pour résoudre et confondre les auteurs de délits et de crimes', selon Vincent Maitre (Centre/GE). La gauche s'est opposée à cet assouplissement et aurait préféré limiter cette possibilité en cas d''indices concrets' pour des crimes passés. Sans succès. La décision est tombée par 123 voix contre 70.
La majorité n'a par contre pas voulu autoriser l'établissement d'un profil ADN pour l'éventualité d'un délit ou crime futur, même en cas d'indices concrets.
Justice restaurative
Le Code de procédure pénale s'enrichit aussi d'un nouveau chapitre consacré à la 'justice restaurative', a décidé le National par 122 voix contre 71. Les parties pourront convenir d'une médiation afin d'aider à la reconstruction de la victime et de permettre à l'auteur de prendre conscience de son crime. Le résultat pourrait être pris en considération par la justice pénale.
'Les expériences positives s'accumulent chez nos voisins', a rappelé Nicolas Walder (Verts/GE). Une minorité UDC s'y est opposée. 'C'est dangereux à tous les stades de la procédure, selon Yves Nidegger. Cela empêche l'Etat de rendre la justice, selon lui.
Le Conseil fédéral était aussi contre. Le champ d'application est beaucoup trop large, il s'appliquerait à tous les types de délits comme un viol ou un assassinat, a critiqué la ministre de la justice Karin Keller-Sutter. Il faudrait élaborer une base légale en bonne et due forme.
La révision touche encore à plusieurs autres aspects, tels des règles précisées sur la levée des scellés, les investigations secrètes, les conditions pour la détention provisoire ou pour motifs de sûreté ou les conditions d'audition devant le ministère public.
L'objet va au Conseil des Etats.
/ATS