Le jeune Afghan accusé d'avoir tué sa petite amie de 17 ans en l'étranglant le 27 décembre 2019, au bord du lac à Yverdon-les-Bains (VD), s'est déclaré innocent lundi au premier jour du procès. Il est revenu sur ses aveux du 7 janvier 2020.
'Je ne l'ai pas tuée', a affirmé le prévenu de 22 ans devant le Tribunal criminel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois, au sujet de l'adolescente, d'origine afghane également, retrouvée morte le 6 janvier 2020. Il a ajouté que les enquêteurs l'avaient amené à leur fournir les réponses qu'ils voulaient obtenir, au terme d'un interrogatoire de plusieurs heures et alors qu'il était en état de 'choc', au lendemain de la découverte macabre.
Le jeune homme a aussi nié s'être rendu en compagnie de la victime vers un banc aux environs de l'embouchure du Bey, là où le ruisseau se jette dans le lac de Neuchâtel, dans la zone protégée des Vernes. C'est là que se trouvait la dépouille, parmi les roseaux.
Le président du tribunal, Donovan Tesaury, a alors fait remarquer au prévenu que son ADN avait été détecté sur les lacets qui enserraient le cou de l'adolescente et même à l'intérieur des noeuds. 'C'est possible, mais je ne peux pas l'expliquer', a-t-il répondu.
'Pressions' dénoncées
'Depuis le début de cette affaire, mon client a proclamé son innocence', a déclaré l'avocat de la défense. 'La seule parenthèse, ce sont les faux 'aveux' du 7 janvier', a-t-il poursuivi. Me Ludovic Tirelli a dénoncé les 'méthodes illicites' appliquées lors de cette audition, qui s'est déroulée en présence du précédent conseil de l'accusé. 'Il y a eu des pressions', a assuré le pénaliste.
Alors que son client avait invoqué son droit au silence, il a été 'bombardé de questions' durant plus de sept heures 'afin de briser sa résistance', selon Me Ludovic Tirelli. Les inspecteurs ont 'feint l'empathie' pour 'créer un lien de confiance fallacieux' avec lui, par exemple en lui tenant la main. En outre, il n'était pas apte 'physiquement et psychiquement' à participer à cet interrogatoire, comme en attesteraient notamment ses pleurs et son envie de vomir.
L'avocat a demandé le 'retranchement' du procès-verbal de l'audition afin qu'il ne soit pas pris en compte, mais cela a été refusé. Les juges ont estimé que l'interrogatoire s'était déroulé de manière conforme et que le droit au silence du prévenu n'avait pas été violé. Il s'est tu à de nombreuses reprises durant l'audition, mais il a aussi répété plusieurs fois qu'il voulait continuer lorsque la question lui était posée, a souligné la procureure Claudia Correia.
Enquêteur 'touché'
Là où Me Ludovic Tirelli a parlé 'd'empathie feinte', Claudia Correia a parlé 'd'humanité' de la part des enquêteurs. L'inspecteur principal de l'enquête, qui a mené l'interrogatoire du 7 janvier 2020 en compagnie d'un collègue, a d'ailleurs été entendu lundi. Il a reconnu avoir tendu la main à l'accusé à un moment où celui-ci était en sanglots et l'avoir pris dans les bras.
'J'étais touché. J'avais l'impression que c'était difficile pour lui', a dit l'enquêteur, qui a agi 'par intuition'. 'Je crois que le fait d'avoir des émotions fortes ce jour-là lui a permis de dire des choses qui étaient peut-être trop lourdes à garder.' Il a ajouté que les aveux étaient venus du prévenu et qu'ils ne lui avaient pas été suggérés. Des pauses ont été accordées à l'accusé, qui s'est aussi vu proposer une collation, qu'il a déclinée.
Une médecin-légiste du Centre universitaire romand de médecine légale qui a participé au rapport d'autopsie du 31 juillet 2020 a confirmé devant la Cour que le décès de la jeune femme était la conséquence d'une 'asphyxie mécanique par strangulation au lien' et que les circonstances de la découverte du corps et les constatations effectuées au cours des investigations indiquaient qu'il s'agissait d'une hétéro-agression, une agression sur autrui.
Pas de lésions 'défensives'
Un suicide par strangulation serait-il plausible? a interrogé la procureure. 'C'est très rare', a répondu la médecin-légiste. De plus, le type de lien utilisé ne concorde pas, a-t-elle précisé. Et bien qu'aucune lésion 'défensive' n'ait été constatée sur la victime, la spécialiste a estimé que cela pouvait arriver si elle avait perdu connaissance rapidement ou si l'agresseur était arrivé dans son dos.
Selon l'acte d'accusation, le jeune homme aurait tué sa petite amie, qui vivait à Baulmes (VD) avec sa famille, car elle voulait rompre. Il aurait prétexté vouloir lui passer un collier autour du cou avant de l'étrangler par derrière. Ce bénéficiaire d'un permis F domicilié dans l'Ouest lausannois est prévenu d'assassinat, subsidiairement de meurtre. Il risque la prison à vie. Il est actuellement détenu à la prison de la Croisée, à Orbe (VD). Le procès doit durer trois jours.
/ATS