Les avocats de Claude D. se sont longuement exprimés vendredi devant le Tribunal criminel de la Broye et du Nord vaudois, à Renens (VD). Ils ont plaidé le meurtre, plutôt que l'assassinat, et ont rejeté l'internement à vie.
'Je n'ai jamais vu une affaire qui a pris une dimension aussi vertigineuse, qui a connu un tel opprobre', a relevé Me Yaël Hayat. L'avocate a attaqué le procureur général qui a réclamé l'affaire, alors que le for était à Fribourg. 'Il a succombé à cette vindicte, comme s'il fallait rendre des comptes'.
Dans ce 'contexte turbulent', Claude D. se défend mal. On dit que c'est un prédateur sexuel, qu'on n'a jamais vu ça. 'Vraiment, on n'a jamais vu ça ?', a lancé Me Hayat, qui appelle à plus de mesure.
Pas oublier le lien
Le prévenu a nommé son crime dès le début. Mais on ne le croit pas, lorsqu'il dit qu'il a aussi voulu se tuer. Dans cette affaire, il ne faut pas oublier le lien qui précède le crime, le lien qu'il avait établi sur les réseaux sociaux avec Marie. Elle se présentait comme une escort: 'L'était-elle ? je n'en sais rien, mais lui le croyait'.
Claude D. aspire à être son seul 'ami', mais le doute s'installe, un soupçon obsessionnel. Marie se détourne de lui, il ne comprend pas. Le jour du drame, il n'y a pas de préméditation. Le destin va provoquer leur rencontre, sous le regard d'un témoin et là tout bascule, selon le récit de Me Hayat.
L'avocate estime qu'il s'agit d'un meurtre et non d'un assassinat. Ce qui distingue les deux, c'est le lien. 'Ce n'est pas un crime à froid'. Le Parquet reconnaît le sentiment, sans en tirer les conséquences juridiques, critique-t-elle.
'La perpétuité, on la proclame avec une certaine légèreté', a renchéri l'avocate. L'un des deux experts psychiatres a parlé d'une responsabilité pénale restreinte. Cette 'peine glaçante' ne peut pas être prononcée en même temps qu'une responsabilité pénale diminuée.
Me Hayat s'est fermement opposée à l'internement à vie qu'elle compare à un substitut de la peine de mort. 'Retrancher quelqu'un de la vie ne fait pas ressusciter les morts', a-t-elle lancé. 'Il faut traiter Claude D, il faut encore espérer'.
Pressions
Me Loïc Parein a pour sa part demandé au tribunal de ne pas se laisser influence par les pressions politiques ou médiatiques, et par une opinion publique animée par un désir de lyncher Claude D. Il a mis en cause les expertises et leur réalisation, estimant qu'elles n'étaient pas indépendantes.
'Quel est le sérieux d'une expertise qui estampille Claude D. 'sadique sexuel' sur la base d'un simple regard méchant?', a demandé Me Parein. Concernant l'internement à vie, comment être sûr qu'une thérapie serait vouée à l'échec ? Depuis 2002, il réclame un suivi. C'est un mensonge de dire qu'il n'en veut pas, note l'avocat.
Incompatible avec le droit international
De plus, une telle peine incompressible n'est pas compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. Parmi les droits fondamentaux, il y a le droit à l'espoir, un droit inhérent à la qualité de l'être humain, a-t-il ajouté. La sanction est incompatible avec les engagements internationaux de la Suisse.
Enfin, il est faux de dire que les deux psychiatres posent un diagnostic d'incurabilité à vie, l'un des deux s'y refuse. La médecine ne peut pas se prononcer sur la permanence d'un tel état.
Après plus de sept heures de réquisitoire et plaidoiries, un deuxième tour de piste entre les parties est prévu. Le procès se déroule devant un public nourri. Plus de 80 personnes n'ont pas trouvé de place vendredi matin dans la grande salle d'audience de Renens.
/ATS