'Excuse-moi, je reviens tout de suite': lorsqu’ils sont brusquement interrompus dans une activité sociale avec un congénère, les bonobos la reprennent aussitôt la phase d’alerte terminée. Et ce avec le même partenaire, rapportent des chercheurs neuchâtelois.
Cette étude menée notamment à l’Université de Neuchâtel (UniNE) montre pour la première fois chez ces grands singes la conscience d'une activité sociale mutuelle, que l'on pensait réservée à l'espèce humaine, a indiqué vendredi l'alma mater neuchâteloise dans un communiqué.
Chez les humains, l'engagement conjoint est le sentiment d'obligation réciproque ressenti lorsqu'on partage un repas, par exemple. Si l’une des personnes est interrompue dans cette activité pour une raison ou pour une autre, elle ne se contentera pas juste de s’en aller, mais s’excusera. Ensuite, les partenaires reprennent l’interaction interrompue là où elle en était.
Chez les bonobos, l’engagement conjoint se vérifie au travers d’une interaction sociale largement répandue parmi les singes: le toilettage mutuel. Les expériences consistaient à observer un groupe de bonobos en train de vaquer à ce genre d’occupation, puis à émettre un signal strident pour disperser le groupe, ou à proposer une carotte à l'un d'eux.
'Nous avons découvert qu’après quelques minutes d’interruption dues au signal d’alerte, les bonobos reprennent l’activité sociale qu’ils avaient commencée, et ce avec le même partenaire', commente Raphaela Heesen, chercheuse à la Durham University (GB) et première auteure de l’étude résultant de son travail de doctorat mené à l’UniNE.
C'était le cas quatre fois sur cinq, selon cette recherche publiée dans la revue Science Advances. Les bonobos produisent également des signaux de communication spécifiques pour suspendre et reprendre l'interaction, par des gestes, des cris ou des expressions du visage, a précisé la chercheuse à Keystone-ATS.
Variations selon le lien social
Les efforts de communication déployés varient en fonction de la différence de rang et de lien social entre les partenaires, tout comme chez les humains. 'Si vous êtes dans une réunion avec votre chef et que votre téléphone sonne, vous vous excuserez davantage que si vous faites quelque chose avec votre sœur', illustre la scientifique.
'Nos résultats suggèrent que les bonobos ont une certaine conscience des conséquences sociales d’une interruption d’un engagement conjoint', note la spécialiste. L’étude s’est déroulée sur le site de la Vallée des singes à Romagne (F), un lieu aménagé, mais où les individus peuvent évoluer sans contrainte dans une vaste forêt.
Trois des cosignataires de l’étude travaillant à l’Université de Neuchâtel, Klaus Zuberbühler, Adrian Bangerter et Emilie Genty, font partie du Pôle de recherche national 'Evolving Language' qui vient de démarrer. Les scientifiques s’intéressent aux origines biologiques du langage dont font partie les premiers signes de communication qu’on observe chez les primates non humains.
/ATS