Le durcissement de la loi sur les étrangers viole le droit international. C'est l'avis de plusieurs organisations de défense des migrants. Les dispositions concernant l'interdiction des voyages dans le pays d'origine et les Etats voisins posent surtout problème.
Le projet de loi mis en consultation jusqu'à jeudi comprend plusieurs volets. Mais celui concernant les voyages des réfugiés reconnus s'attire tout particulièrement les foudres de l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés (OSAR) et de la Commission fédérale des migrations (CFM).
Pour l'OSAR le durcissement des dispositions concernant les voyages des réfugiés dans leur pays d'origine est inacceptable. Selon la loi actuelle, un retour au pays constitue déjà un motif de révocation du statut de l'asile.
Mais inscrire noir sur blanc dans la loi une 'interdiction de se rendre dans son Etat d'origine' est contraire au droit international, écrit-elle. Cela revient à céder aux exigences de la droite populiste, alors que le Conseil fédéral s'est prononcé plusieurs fois contre une telle mesure, renchérit le PS.
La CFM rappelle que le nombre d'abus est mince. 'Une telle interdiction se base sur un soupçon généralisé d'abus chanté en choeur par les tenants d'une ligne dure en matière d'asile', écrivent les Verts.
Les Erythréens ont fait un temps les gros titres des journaux. Mais très peu se sont vu priver de leur statut d'asile après s'être remis volontairement sous la protection de leur pays d'origine: en 2015, ils étaient sept et durant les sept premiers mois de cette année, 3.
Tous dans le même sac
Mais le problème ne s'arrête pas là: les nouvelles dispositions prévoient de punir tous les réfugiés d'un même Etat d'origine dès l'apparition de quelques 'moutons noirs'. Pour la CFM, cette généralisation à un 'groupe de personnes', en l'occurrence une nationalité, est contraire aux principes fondamentaux de l'Etat de droit.
Ce d'autant plus que le Conseil fédéral n'entend pas se limiter aux voyages vers l'Etat d'origine, mais inclut les Etats limitrophes. Pour ces pays, ce sera aux personnes concernées d'apporter la preuve qu'elles s'y sont rendues pour de justes motifs (décès ou maladie grave d'un proche) sans quoi elles perdront automatiquement leur statut de réfugié.
A l'heure actuelle, c'est au SEM de démontrer qu'il y a abus. La CFM et le PS rejettent ce renversement du fardeau de la preuve. C'est pour certains réfugiés la seule façon de revoir des parents après des années de séparation, plaident les socialistes qui ne manquent pas de rappeler les conditions très strictes en matière de regroupement familial.
Rien à redire selon l'UDC et le PDC
Dans son rapport, le Conseil fédéral estime lui que les restrictions pour les voyages est conforme à la Convention relative au statut des réfugiés. Le PDC et l'UDC n'y voient rien non plus à redire: le premier souhaite même étendre ce durcissement aux réfugiés admis seulement provisoirement.
Reste que dans l'ensemble, l'UDC rejette les modifications de loi proposées par le Conseil fédéral. Cette loi viole largement la Constitution, en particulier le nouvel article sur l'immigration de masse et rend toute révision inopportune.
L'UDC estime par exemple que l'aide au retour pour les personnes admises provisoirement en Suisse n'est pas le bon moyen de faire baisser le nombre d'étrangers en Suisse. C'est au contraire une incitation qui attirera encore plus de migrants.
Cantons mécontents
L'OSAR, la CFM, le PS et les Verts regrettent eux que les adaptations en matière de séjour temporaire prévues pour les travailleuses du sexe n'aillent pas plus loin.
Selon eux, il faudrait élargir le cercle des bénéficiaires à toute personne exerçant une activité lucrative précaire et comportant un risque d'exploitation. Et de citer des secteurs à risque comme l'agriculture, l'industrie textile ou la construction.
Les cantons ont également émis des réserves au chapitre de l'intégration. Ils s'irritent que la Confédération fixe de manière unilatérale les critères de qualité. Dans certains petits cantons, des prestataires de cours de langue pourraient être évincés en raison de critères trop rigides.
Cela toucherait notamment de nombreux bénévoles en Suisse romande. Les nouvelles directives risquent d'engendrer une surcharge financière pour les cantons ou une réduction de l'offre.
/ATS