Le procès de l'agriculteur fribourgeois, accusé d'avoir abattu froidement un père et son fils un soir de mars 2020 à Sorens (FR), s'est ouvert lundi. Une escroquerie autour de la vente de deux tracteurs est à l’origine du drame.
C'est un procès sous haute tension qui s'est ouvert à Granges-Paccot, où le Tribunal pénal de la Gruyère s'est 'expatrié' pour l'occasion dans une salle pouvant accueillir la quinzaine de journalistes présents, dont trois dessinateurs de presse et une quinzaine de spectateurs.
Sur le banc des accusés: un agriculteur fribourgeois de 33 ans, détenu en exécution anticipée de peine à la prison de Bellechasse. Il est apparu les yeux fixes dans le vague, un peu hagard, tout au long des témoignages très denses émotionnellement qui se sont succédé lundi.
'Cet assassin mérite la prison à vie ou la peine de mort !', a lancé la mère de famille qui a perdu son mari et son fils dans le drame. 'Cela fait trois ans que j'attends ce jour. Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter que mon fils mérite une telle mort. Aujourd'hui, toute notre famille vit encore dans la peur', a-t-elle dit, en larmes.
'Envie de me venger'
'J'aimerais me défouler sur cet homme et me venger, même si je sais que ce n'est pas possible', a renchéri le fils et frère des disparus. 'C'est très difficile, je n'arrive pas à me concentrer sur le travail, j'ai interrompu le premier apprentissage que j'avais commencé à l'époque du drame', a-t-il ajouté.
De son côté, la veuve du fils assassiné, qui vit avec leurs deux filles de 4 et 7 ans dans une nouvelle maison, a souligné à quel point son mari était un bon père. 'Nos filles sont conscientes que leur père ne reviendra jamais et pour elles, c'est un choc', a-t-elle relevé. 'Je veux que cet homme soit jugé au plus vite. Je n'ai pas envie de croiser son regard.'
Parmi les autres témoignages, le frère du père disparu a décrit la souffrance et la stérilité relationnelle dans laquelle le drame a plongé toute la famille, jadis si soudée. L'homme a témoigné plus loin que prévu du prévenu, tant sa présence risquait d'attiser sa colère. Il a aussi raconté la panique qui avait saisi le 'clan' lorsque père et fils n'étaient pas rentrés dormir et ne répondaient pas au téléphone la nuit du meurtre.
Pour deux tracteurs
L'origine du drame remonte à une vente de deux tracteurs qui n'a jamais été réalisée. En proie à de graves difficultés financières, l'accusé, qui travaillait depuis dix ans sans véritable salaire dans l'exploitation familiale de son père, était censé livrer ces tracteurs d'occasion à un Macédonien de 47 ans domicilié à Cugy (VD) et à son fils aîné de 23 ans. Ceux-ci lui avaient versé 34'000 francs.
Mais, prétextant des problèmes d'immatriculation dû aux effets de la crise sanitaire sur l'Office de la circulation, l'agriculteur n'a pas livré les véhicules. Et pour cause: ils n'étaient en réalité pas à lui. Quant à l'argent reçu, il l'avait dépensé pour acheter notamment un cheval à sa petite amie et le fusil de chasse qui servira à exécuter ses victimes.
Noyé dans une fosse à purin
Pour solder le litige, un rendez-vous avait été fixé le 24 mars 2020 à 20h00 dans le chalet d'alpage isolé que la famille de l'accusé possède à Sorens. C'est là que les choses ont dégénéré. L'accusé dit que l'ainé des Macédoniens l'aurait projeté au sol. Suite à cela, il avait tiré quatre balles sur les deux hommes, les mettant à terre. Puis, à court de munitions, il les avait violemment frappés à la tête avec sa crosse au point de la briser dans le choc.
L'agriculteur avait ensuite placé les corps dans un filet à foin lesté d'une plaque d'égout, puis les avait jetés dans la fosse à purin, alors remplie d'eau, qu'il avait pris soin d'ouvrir avant l'arrivée de ses victimes.
De son propre aveu, il aurait vu des bulles remonter à la surface. Et effectivement, l'autopsie a montré que le père de famille vivait encore à ce moment-là.
Après avoir pris soin de cacher toutes traces de son double crime et de se constituer un alibi, notamment en envoyant divers SMS à sa petite amie ou en se confectionnant une fausse quittance signée de sa victime, l'agriculteur a repris sa vie comme si de rien n'était jusqu'à son arrestation le lendemain soir. Ses aveux avaient suivi presque immédiatement.
Le procès se poursuit
La phase d'instruction se poursuit mardi avec le témoignage du prévenu. Le réquisitoire et les plaidoiries suivront mercredi. Le verdict tombera le 1er mars.
/ATS