Le Conseil fédéral renonce pour l'instant à forcer la main aux cantons concernant les langues enseignées à l'école. Mais il se réserve le droit de relancer la machine si l'apprentissage d'un deuxième idiome national dès l'école primaire devait être remis en cause.
'Nous estimons qu'une révision de la loi sur les langues n'est pas nécessaire à l'heure actuelle', a expliqué le ministre de la culture Alain Berset vendredi devant la presse. Le gouvernement devait statuer sur ses projets d'intervention fédérale éventuelle après une consultation chahutée.
'Je pense qu'il est devenu clair pour tout le monde que le Conseil fédéral prendrait ses responsabilités', a souligné Alain Berset. Depuis le lancement de la consultation en juillet, plusieurs cantons ont pris des décisions allant dans le sens d'une harmonisation dans l'enseignement des langues, a-t-il souligné.
Décisions cantonales
Le 25 septembre, les Saint-Gallois ont rejeté une initiative qui ouvrait la voie à l'enseignement d'une seule langue étrangère au primaire. Rebelote le 27 novembre en Thurgovie et à Schaffhouse avec le rejet d'initiatives UDC contre le nouveau plan d'études scolaires.
Et le gouvernement thurgovien a formulé un plan comprenant une version intégrant le français au primaire, en attendant que le Grand Conseil ne se prononce au printemps sur une éventuelle relégation de cet enseignement au secondaire.
Selon Alain Berset, le Conseil fédéral ne souhaite intervenir que si c'est nécessaire et dans la manière la plus subsidiaire possible. Il va désormais suivre la situation.
Si un canton décidait de ne pas enseigner de seconde langue nationale de manière continue du niveau primaire jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, il faudra revoir la donne. Le ministre de la culture prendra langue avec les cantons au plus tard au cours du second semestre 2017.
Harmonisation
En attendant, il faut tout entreprendre pour maintenir et développer l'harmonisation de l'enseignement des langues. 'Le plurilinguisme est un atout.' Alain Berset a tenu à souligner une nouvelle fois l'importance de l'apprentissage des idiomes nationaux pour l'économie et les PME et particulier.
Le Conseil fédéral s'était lancé dans la bataille, après que certains cantons alémaniques ont remis en question les leçons de français au degré primaire. Une telle décision serait contraire à la stratégie des langues 2004, reprise dans le concordat HarmoS.
Contraignante pour tous les cantons, elle prévoit que les élèves commencent à apprendre une première langue étrangère en 3e primaire au plus tard et une deuxième en cinquième. Au moins l'une des deux doit être une langue nationale.
Variantes
Le gouvernement avait présenté plusieurs variantes d'intervention fédérale. La première se limitait à l'école primaire et prévoyait que l'enseignement de la deuxième langue nationale débute au plus tard en 5e primaire (soit la 7e année HarmoS).
La deuxième variante inscrivait la solution du concordat dans la loi. L'enseignement de la première langue étrangère devrait commencer au plus tard en 3e année (5e HarmoS) et celui de la deuxième langue étrangère au plus tard en 5e année (7e HarmoS).
L'une de ces deux langues devrait être une deuxième langue nationale et l'autre l'anglais. Dans la mesure où ils prévoient, en plus, l'enseignement obligatoire d'une troisième langue nationale, les cantons des Grisons et du Tessin pourraient déroger aux années de scolarité fixées pour l'introduction des deux langues étrangères.
La troisième option, préférée par le Conseil fédéral, prévoyait simplement que l'enseignement de la deuxième langue nationale devait débuter au primaire et durer jusqu'à la fin de l'école obligatoire.
Fronde alémanique
Les cantons alémaniques ont vivement critiqué une intervention fédérale 'disproportionnée', 'prématurée' et ' politiquement inopportune'. La plupart ont rejeté les propositions du gouvernement.
Il est inacceptable que la Confédération empiète sur les compétences cantonales, selon eux. La menace d'un référendum a même été évoquée. Côté romand, le ton était plus nuancé.
La Conférence des directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) s'est félicitée vendredi de la décision du gouvernement. Elle apprécie le fait qu'il 'procède sur la question avec les précautions qui s'imposent', écrit-elle dans un communiqué.
Du côté des partis, le PDC, PBD, PS et les Verts étaient acquis au principe d'une intervention fédérale, rejetée en revanche par l'UDC et le PLR.
/ATS