Les personnes qui partent de Suisse en vue de faire le djihad ne sont pas aussi jeunes que l'on pourrait le penser. Sur 66 cas recensés, seuls 16 ont moins de 25 ans, selon une étude de l'Université des sciences appliquées de Zurich publiée mercredi.
'La plus grande partie sont des adultes, on peut donc partir du principe que leur décision est responsable', a souligné lors d'un entretien avec les médias Miryam Eser, responsable et initiatrice de l'étude 'Arrière-plan de la radicalisation djihadiste en Suisse'.
Les 25-35 ans représentent 29 départs, selon les données fournies aux chercheurs par le Service de renseignements de la Confédération (SRC). Six jeunes de 15-19 ans se sont engagées, et autant de plus de 40 ans.
Peu de femmes
Les autres statistiques révèlent que seules trois femmes (dont une mineure) sont parties faire le djihad. Ce taux de moins de 4% est plus faible que dans d'autres pays européens, où il atteint jusqu'à 10%.
Sur les 66 djihadistes, 12 sont des convertis, dont la moitié sont des Suisses. Les musulmans non convertis proviennent pour la plupart des pays d'Ex-Yougoslavie et de Somalie. Une vingtaine habite en Suisse romande.
Leur niveau de formation est très variable. Cela va de sans diplôme au titre universitaire, selon les informations du SRC qui ne vont pas davantage dans le détail sur ce point.
Pas radicalisés dans les mosquées
L'analyse dément une autre idée reçue: la radicalisation de l'islam ne se produit pas dans les mosquées. C'est sur Internet que des contenus du Coran sont sortis de leur contexte et instrumentalisés.
Les prisons ne sont pas non plus un lieu de radicalisation. Seuls cinq des cas recensés ont un passé criminel. La prise en charge en milieu carcéral est très bonne en Suisse. Cela permet de détecter rapidement les risques et de prendre des mesures, explique Mme Eser.
Situation difficile au Tessin
S'il est impossible d'établir des critères ou un profil type pour la prévention, un facteur de risque est certainement la stigmatisation et la discrimination envers les musulmans en Suisse. Toutes les organisations et personnes interrogées en font état.
La situation est particulièrement précaire au Tessin. Les organisations musulmanes ne trouvent que difficilement des locaux. Le dialogue politique est difficile. L'initiative contre la burqa stigmatise l'islam.
Par ailleurs, au Tessin et à Genève, le chômage des jeunes est élevé, particulièrement chez les jeunes musulmans. Outre l'expérience douloureuse, c'est aussi un vide à remplir.
'Grosse lacune'
Afin de prévenir les cas de radicalisation, la Suisse doit mettre en place des lieux de conseil spécialisés. Actuellement, 'on ne sait pas où se tourner pour trouver de l'aide, c'est une grosse lacune en Suisse', souligne la chercheuse.
Selon elle, il faudrait que cette tâche relève de la compétence de la Confédération. Etant donné le petit nombre de cas et d'experts, il serait souhaitable de centraliser l'offre.
Dans l'ensemble, la problématique des djihadistes est proportionnellement moins aiguë en Suisse que dans les pays voisins, tempère Mme Eser. Mais on ne sait pas si le terrain y est moins propice ou si le phénomène touchera la Suisse avec un décalage, ajoute-t-elle.
/ATS