Changement d'échelle en physique quantique: des chercheurs genevois prouvent l'intrication de 16 millions d'atomes au sein d'un cristal d'un centimètre traversé par un photon. Cette avancée confirme la théorie sur laquelle reposent les réseaux quantiques du futur.
Les lois de la physique quantique permettent aujourd'hui d'émettre des signaux dont toute interception par un tiers est aussitôt détectée. Cette propriété est essentielle pour la protection des données et plus spécifiquement pour l'industrie du cryptage, qui peut désormais garantir à ses clients que leurs messages n'ont pas été lus en chemin.
Encore faut-il que ces signaux puissent voyager sur de longues distances grâce à des relais un peu particuliers, des répéteurs quantiques. Ce sont des cristaux dont les atomes sont 'intriqués', unis par une relation quantique très forte, a indiqué vendredi l'Université de Genève dans un communiqué.
Lorsqu'un photon pénètre ce petit bloc de cristal enrichi d'atomes de terre rare et refroidi à 270 degrés sous zéro, trois degrés à peine au-dessus du zéro absolu, il crée cette intrication entre les millions d'atomes qu'il traverse. La théorie le prédit sans équivoque et le phénomène se produit bien, puisque le cristal remplit sa fonction et réémet sans la lire l'information qu'il a reçue, sous forme d'un photon unique.
Analyse de la lumière
Il est relativement facile d'intriquer deux particules, la scission d'un photon génère par exemple deux photons intriqués, aux propriétés et au comportement identiques.
'Mais il est impossible d'observer directement un phénomène d'intrication entre plusieurs millions d'atomes tant la masse de données qu'il faudrait collecter et analyser est importante', explique Florian Fröwis, chercheur au sein du Groupe de physique appliquée de l'UNIGE, cité dans le communiqué. Avec ses collaborateurs, il a donc choisi une voie indirecte: étudier les caractéristiques de la lumière réémise par le cristal.
Ils ont analysé ses propriétés statistiques et les probabilités qui les accompagnent, en traquant deux indices majeurs: que la lumière soit réémise dans une seule direction plutôt que de rayonner à partir du cristal, et que l'émission soit constituée d'un photon unique. C'est ainsi qu'ils ont pu démontrer l'intrication de 16 millions d'atomes, là où les observations précédentes plafonnaient à quelques milliers.
Révolution quantique
A noter qu'une recherche parallèle, menée par des scientifiques de l'Université de Calgary, au Canada, démontre elle aussi l'intrication entre de nombreux groupes d'atomes.
'Nous n'avons pas changé les lois de la physique', souligne Mikael Afzelius, du Groupe de physique appliquée du Pr Nicolas Gisin: 'Ce qui a changé, c'est la façon de traiter ce flux de données'.
L'intrication des particules est un prérequis pour la révolution quantique qui s'annonce, et qui touchera aussi bien les volumes de données circulant sur les réseaux du futur que la puissance et le mode de fonctionnement des ordinateurs quantiques. Ces travaux sont publiés dans la revue Nature Communications.
/ATS