Le procès des chefs des Tigres tamouls en Suisse a pris fin mercredi à Bellinzone après les dupliques de la défense. Le verdict sera rendu ultérieurement par le Tribunal pénal fédéral.
Après la réplique des avocats des deux plaignants tamouls mardi - le Ministère public de la Confédération (MPC) ayant renoncé à reprendre la parole - les défenseurs ont contesté les conclusions civiles. Jean-Pierre Garbade s'en est pris aux frais de procédure s'élevant à 3,791 millions de francs qui devraient être remboursés par les prévenus en cas de condamnation.
L'avocat genevois a parlé du prix de la 'mégalomanie du MPC, de la complaisance envers l'Union européenne et des relations économiques avec le Sri Lanka.' Enfin, le leader du World Tamil Coordinating Comitee (WTCC), l'organisation accusée de soutenir depuis la Suisse la lutte des Tigres tamouls au Sri Lanka, a longuement rappelé les persécutions subies par son peuple et la lutte menée par les Tigres jusqu'en 2009. Plusieurs autres prévenus ont également pris la parole.
A l'issue de ces déclarations, la présidente Nathalie Zufferey Francioli a levé l'audience et annoncé que le verdict serait rendu le 14 juin. Au cours de ce procès fleuve de près de huit semaines, marqué par des passes d'armes souvent vives, l'accusation et la défense ont livré des visions diamétralement opposées des prévenus et de leurs activités au sein du WTCC.
Multipliant les requêtes dès l'ouverture des débats, les avocats de la défense ont tenté d'obtenir le renvoi du procès. Dénonçant un procès politique mené à l'instigation de l'Union européenne, ils ont invoqué la démesure de l'acte d'accusation ainsi que les nombreuses irrégularités qui auraient entaché l'enquête.
Inspirateur d'Al Qaïda
La procureure fédérale Juliette Noto a présenté les Liberation Tigers of Tamil Eelam (LTTE) comme un mouvement 'dont l'efficacité a inspiré Al Qaïda'. Montrant une photo du chef du WTCC derrière une mitrailleuse ou des images d'enfants-soldats, la magistrate a passé en revue les crimes attribués aux Tigres. Elle a tenté de démontrer l'implication en toute connaissance de cause des accusés dans le soutien et le financement du LTTE.
De leur côté, les défenseurs ont souligné la légitimité du combat des Tigres contre un régime oppresseur. Ils ont cherché à convaincre la cour que les fonds récoltés par le WTCC auprès de la communauté tamoule étaient destinés principalement à des causes humanitaires.
La procureure et les avocats se sont opposés notamment sur le caractère volontaire ou forcé de ces contributions. Ainsi, Mme Noto a tenté, en vain, d'obtenir des explications sur le fichage de l'ensemble de la diaspora qui aurait permis d'exercer des pressions sur les familles restées au pays. De son côté, la défense a mis en pièces les délits liés à la prise de petits crédits pour financer le LTTE.
La procureure a requis des peines s'échelonnant entre 18 mois d'emprisonnement avec sursis et 6 ans et demi fermes, assorties de jours-amendes et du remboursement des frais de la cause. La défense, en revanche, a plaidé l'acquittement et l'indemnisation des prévenus.
Douze Tamouls et un Allemand comparaissaient depuis le 8 janvier devant le Tribunal pénal fédéral pour avoir participé depuis la Suisse au financement de la guérilla des Tigres tamouls jusqu'en 2009. Ils répondaient de soutien à une organisation criminelle, d'escroquerie, de faux dans les titres et de blanchiment.
Le LTTE a lutté contre le gouvernement du Sri Lanka de 1983 jusqu'à sa défaite en 2009. Il revendiquait l'indépendance du nord de Ceylan, peuplé à majorité de Tamouls. Ce conflit a causé la mort de quelque 100'000 personnes.
/ATS