L'économie est dans les starting blocks pour fournir aux citoyens une identification électronique. Le Conseil fédéral et le Parlement élaborent actuellement une loi le permettant. Mais le peuple semble avoir un autre souhait.
Selon un sondage représentatif, 87% des personnes en âge de voter souhaitent que la compétence de fournir une identité électronique (E-ID) incombe à l'Etat. Cet avis est encore plus marqué chez les jeunes. A l'inverse, seuls 2% soutiennent la solution prévoyant une E-ID délivrée par des entreprises privées.
Tâches partagées
Or c'est ce que prévoit le projet approuvé par le Conseil national. En mars, il a décidé que la Confédération ne fera que vérifier et confirmer l'identité d'une personne. Des fournisseurs privés (Identity Provider) développeraient et proposeraient eux les supports technologiques nécessaires, comme les téléphones intelligents ou les cartes bancaires.
Ce concept a été concocté par le Conseil fédéral, qui souligne la rapide évolution technologique et les nombreuses solutions techniques. Le gouvernement est convaincu que la Confédération n'est pas en mesure de développer et réaliser les supports nécessaires.
Mais la résistance se forme à ce projet. 'Il s'agit d'une tâche régalienne. L'Etat ne peut pas simplement l'externaliser', a déclaré lundi devant les médias à Berne Sara Stalder, directrice de la fondation alémanique de protection des consommateurs SKS. Celle-ci a formé une alliance avec ses consoeurs romande (FRC) et tessinoise ainsi qu'avec la Société numérique, l'association PublicBeta et la plateforme WeCollect.
Les opposants demandent que durant la session parlementaire d'été, le Conseil des Etats renvoie la copie au Conseil fédéral pour qu'il la retravaille. Sa commission préparatoire avait refusé de justesse ce renvoi. Le législateur doit accepter que les citoyens ne veulent pas retirer leurs documents chez Swisscom ou au guichet d'une banque, a souligné Sara Stalder.
Les entreprises sont prêtes
Or c'est ce qui se profile avec la solution proposée par le Conseil national. Un consortium s'est formé autour de la SwissID de La Poste et des CFF auquel appartiennent désormais une vingtaine de grandes entreprises comme Swisscom, les banques Crédit Suisse, UBS et Raiffeisen, ainsi que les assureurs Axa, Bâloise, CSS, Helvetia, La Mobilière, Swica, Swiss Life, Vaudoise et Zurich.
Ces entreprises mettent le législateur devant le fait accompli, estime Sara Stalder. Les opposants à une E-ID fournie par des privés craignent qu'ils ne commercialisent les données sur les habitudes de vie, les achats et la santé.
Il est illusoire de croire que le traitement de données puisse être contrôlé, a poursuivi Sara Stalder. La population n'y croit manifestement pas non plus: en matière de protection des données, 75% des sondés font davantage confiance à l'Etat qu'aux entreprises privées.
Le sondage livre également des indications sur les domaines d'application de l'identité électronique. Les citoyens mentionnent en premier la cyberadministration et l'exercice des droits politiques, suivis du dossier électronique du patient et des opérations bancaires en ligne. La moitié seulement des sondés citent la possibilité d'acheter sur internet.
Plus de 80% souhaitent en outre utiliser la E-ID pour une signature juridiquement contraignante. Cette possibilité n'est même pas prévue dans le projet de loi actuel.
Nécessité pas contestée
Les adversaires d'une solution privée ne contestent pas la nécessité d'une E-ID. Le quotidien des consommateurs est numérique depuis bien longtemps, a rappelé Sara Stalder. Mais selon elle, il faut d'urgence un règlement suisse. A défaut, le risque existe que les géants technologiques internationaux imposent leurs propres solutions.
Comme une votation impliquerait des retards, les opposants ne brandissent pas encore la menace d'un référendum. L'alliance présente lundi à Berne laisse ouverte la question d'une éventuelle récolte de signatures au cas où le Conseil des Etats suivrait la proposition du National.
Le sondage représentatif a été réalisé en mai par l'institut Demoscope, qui a interrogé 973 personnes ayant le droit de voter. Le mandataire est la société PublicBeta.
/ATS