François Hollande a inauguré samedi sous les huées et les insultes le traditionnel Salon international de l'agriculture à Paris. La grogne des agriculteurs français est telle qu'ils s'en sont pris violemment au stand du ministère concerné.
'Il s'en fout complètement de nous', 'bon à rien', 'connard', 'fumier': une haie d'éleveurs en colère a accueilli avec des bordées d'injures le chef de l'Etat, arrivé dès l'aube sur le site du salon, dans le sud de Paris.
Un peu plus tard, des dizaines de manifestants du principal syndicat d'agriculteurs ont démonté le stand du ministère de l'agriculture et protesté, poussant les forces de l'ordre à intervenir. Au moins deux agriculteurs ont été interpellés.
'Les cris de détresse, je les entends', a immédiatement réagi M. Hollande après les premiers sifflets. 'Si je suis là aujourd'hui, c'est pour montrer qu'il y a une solidarité nationale', et 'on va tout faire' pour aider l'agriculture, a-t-il déclaré.
Un peu plus tard dans la matinée, il a estimé qu'il ne fallait 'pas confondre toutes les colères', entre agriculteurs pour certains 'au bord de la disparition' et contestation du projet de loi réformant le droit du travail, sur lequel il entend 'trouver le bon équilibre'.
'Si les agriculteurs viennent à disparaître, si les exploitations viennent à fermer, c'est tout le pays qui aura à en souffrir', a encore déclaré le président français.
Ciel ombrageux
Les nuages se sont accumulés sur les fermes françaises en 2015, en premier lieu pour l'élevage. Les prix de la viande bovine, porcine, et du lait se sont effondrés sous l'effet de la fin des quotas laitiers européens, de l'embargo russe et du recul de la demande chinoise. La surproduction mondiale de blé a ensuite entraîné les céréaliers dans la tourmente, suivis par les producteurs de légumes, plombés par la douceur de l'hiver.
Les épizooties sont venues achever le tableau: fièvre catarrhale ovine et grippe aviaire ont poussé nombre de pays importateurs à fermer leurs portes à la viande bovine française ainsi qu'à la volaille et au foie gras.
En outre, le Salon de l'agriculture de cette année s'est ouvert à deux jours de la fin des négociations annuelles entre les grandes surfaces et leurs fournisseurs, qui se déroulent dans un climat exécrable. La grande distribution, engagée depuis plusieurs années dans une guerre des prix, impose des baisses de plus en plus importantes aux industriels dont elle achète les produits, ce qui pousse les fabricants à répercuter ces baisses sur les agriculteurs.
Loi à revoir
'Il y a des pressions qu'il faut exercer ici en France sur la grande distribution', a estimé samedi François Hollande, en promettant de revoir la loi qui organise les relations entre distributeurs et fournisseurs. Selon le gouvernement, plus de 40'000 exploitations sont en situation d'extrême urgence, et les actions de protestation, qui ont rythmé l'été, ont repris de plus belle depuis un mois.
Le ministre de l'agriculture Stéphane Le Foll et le Premier ministre Manuel Valls n'ont rien ménagé ces derniers jours pour calmer les esprits. Même le commissaire européen pour ce secteur, l'Irlandais Phil Hogan, est venu jeudi à la rescousse pour assurer les agriculteurs français de sa détermination à trouver des solutions.
Concours de beauté politique
A 14 mois de l'élection présidentielle, ce Salon 2016, qui fermera dimanche 6 mars, est aussi celui des politiciens. Beaucoup feront leur apparition à Paris où quelque 700'000 visiteurs sont attendus.
'Il n'est pas question que le Salon se transforme une nouvelle fois en concours de beauté politique', a prévenu le syndicat des agriculteurs, qui compte demander à tous les élus de répondre à un 'questionnaire précis' sur les questions qui préoccupent le monde paysan.
/ATS