Le spectaculaire incendie dans l'usine Lubrizol de Rouen classée Seveso, qui n'a pas fait de victime, était maîtrisé jeudi à la mi-journée mais plusieurs jours seront probablement nécessaires pour en venir à bout, avec une crainte de pollution de la Seine.
Selon le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, l'incendie est 'cantonné' et 'ne devrait pas se développer de nouveau'. 'Le combat que (les pompiers) devront mener pour maîtriser totalement la situation sur ce site durera plusieurs jours, peut-être, même plusieurs semaines', a dit M. Castaner qui s'est rendu à proximité des lieux de l'accident.
En revanche, grâce à 'la manoeuvre qui a consisté à déplacer les produits les plus dangereux', le risque de 'sur-accident' est écarté alors que d'autres usines se trouvent dans cette zone industrielle située à trois km du centre-ville.
Au total, 200 sapeurs-pompiers, 200 engins venus de six départements ont pris part aux opérations.
L'usine Lubrizol, classée seuil haut Seveso, où travaillent environ 400 employés, fabrique et commercialise des additifs qui servent à enrichir les huiles, les carburants ou les peintures industriels.
Panache de fumée de 22 km
Le panache de fumée, de 22 km de long et six de large, 'porte en soi un certain nombre de produits qui peuvent être dangereux pour la santé', a ajouté le ministre, qui a toutefois précisé qu'il n'y avait pas de 'dangerosité particulière' selon les premières analyses.
Le préfet de Normandie Pierre-André Durand a évoqué un 'risque de pollution' de la Seine 'par débordement des bassins de rétention'. M. Castaner a annoncé la mise en place du plan Polmar pour contrer les risques de pollution du fleuve.
Sur twitter, le ministère de l'Intérieur, 'par mesure de précaution', conseille 'd'éviter les déplacements non indispensables dans l'agglomération de Rouen'.
Une enquête pour déterminer les causes de l'accident a été ouverte par le parquet de Rouen, a-t-on appris auprès du procureur de la République Pascal Prache.
'Le nuage de fumée est impressionnant', a raconté à l'AFP Olivier, responsable de la brasserie Les Maraichers, dans le centre de Rouen, ajoutant que 'la place était vide'. Il a expliqué avoir été 'réveillé en pleine nuit' par le bruit de l'explosion.
De nombreux restaurants et commerces de Rouen étaient fermés jeudi, a constaté une journaliste de l'AFP.
A Préaux, au nord de Rouen, 'il y avait chez moi des suies sur les allées, les dallages et les voitures', a relaté Jean-Claude Bleuzen, adjoint au maire. Louise, une commerçante de la commune, a décrit 'des voitures marbrées de noir' et 'une odeur de carburant'.
Odeur jusqu'en Picardie
De nombreux établissements accueillant du public sont fermés, comme les établissements scolaires (écoles, collèges, lycées) et les crèches à Rouen rive droite et dans douze autres communes avoisinantes, a précisé la préfecture. Les maisons de retraite font l'objet d'une mesure de confinement, selon la même source, précisant que les transports en commun fonctionnaient.
L'odeur de la pollution se faisait sentir jusque dans le Nord et en Picardie, ont indiqué les préfectures de la Somme et de l'Aisne dans un communiqué. 'Portées par des vents dominants, des fumées diffuses très odorantes mais sans risque pour la population traversent actuellement le département'.
Précédents
Créée en 1954 sur les bords de la Seine, rive gauche, cette usine a été classée Seveso en raison des risques qu'elle comporte.
En janvier 2013, elle avait été à l'origine d'une fuite de gaz malodorant qui avait empuanti jusqu'à la région parisienne et au sud de l'Angleterre. La société Lubrizol France avait été condamnée à une amende de 4000 euros en 2014.
Plus récemment, en 2015, quelque 2000 litres d'huile minérale se sont déversés dans le réseau d'évacuation des eaux pluviales après un 'incident d'exploitation' à l'usine chimique.
L'usine à Rouen appartient au groupe de chimie américain Lubrizol Corporation, lui-même propriété de Berkshire Hathaway, la holding du milliardaire et célèbre investisseur américain Warren Buffett.
'Il y a 6 ans, suite à un incident extrêmement grave sur le même site classé Seveso 3, les écologistes avaient déjà demandé le déplacement' de l'usine, ont indiqué les écologistes de 'Décidons Rouen' dans un communiqué. 'Une réflexion structurelle doit être menée (...) sur la place d'industries dangereuses au coeur de nos villes'.
/ATS