L'équivalent de 2 milliards de personnes assurent 8 heures par jour dans le monde des soins à la personne sans être rémunérées. Pour éviter une crise mondiale 'imminente', l'OIT appelle à doubler les investissements sur cette question d'ici 2030.
Les soins à la personne recoupent la santé, l'éducation et le travail social. Avec la population vieillissante, 2,3 milliards de personnes devraient en avoir besoin d'ici 2030, dit l'Organisation internationale du travail (OIT) dans un rapport publié jeudi à Genève.
Soit 200 millions de personnes âgées et d'enfants supplémentaires en une quinzaine d'années. Si la priorité est mise sur les soins pour ces deux types de personnes, 'nous avons les meilleures possibilités' pour aboutir à des emplois décents et réduire les inégalités entre hommes et femmes, a dit devant la presse la responsable du rapport, Laura Addati.
L'OIT demande un investissement de près de 18'500 milliards de dollars, soit plus de 18% du Produit intérieur brut (PIB) prévu en 2030, pour atteindre quatre des Objectifs du développement durable (ODD). Contre 8,7% du PIB pour les dépenses récentes, selon des chiffres d'il y a trois ans.
Plusieurs milliards de dollars
Ce financement permettrait de lancer 269 millions de nouveaux emplois et de récupérer 3200 milliards de dollars de rentrées fiscales. Il garantirait aussi un emploi décent aux près de 390 millions de personnels de soin actuels, dont près de 250 millions de femmes.
La plupart de ces travailleurs oeuvrent dans l'éducation, pour 123 millions d'entre eux, et dans le santé et le travail social pour plus de 90 millions. Suivis par 70 millions d'emplois domestiques.
Sans reconnaissance des activités non rémunérées ni de meilleures conditions pour les emplois payés, elle prévoit 'une crise grave et intenable'. L'OIT appelle à 'des changements de politiques radicaux', notamment une protection sociale ou encore des compensations financières pour garantir 'une sécurité de revenus' à ceux qui ne sont pas payés.
Au total, ceux-ci rassemblent 6,4 milliards d'heures de travail non rémunéré chaque jour, selon les données sur 64 pays où se trouvent deux tiers de la population active mondiale. Si ces prestations étaient payées au salaire minimal, elles constitueraient 9% du PIB ou 11'000 milliards de dollars.
Les familles moins nombreuses et l'augmentation des femmes dans le marché du travail dans certains pays étendent 'la demande de main-d'oeuvre dans le secteur des soins à la personne', selon Mme Addati. Plus de trois quarts des activités de soins non rémunérés sont menées par des femmes.
Diminution de l'écart hommes/femmes
La contribution des hommes s'est certes étendue dans 23 pays dans les 20 dernières années. Mais l'écart avec les femmes en terme de responsabilités familiales non rémunérées n'a diminué que de sept minutes par jour.
A ce rythme, il faudra 210 ans pour combler ce décalage. Cette donnée pose des questions 'sur l'efficacité des politiques', dit une responsable de l'OIT Shauna Olney. Autre problème, plus la part de femmes a augmenté dans certaines professions, plus le salaire moyen a diminué.
Au total, en 2018, plus de 600 millions de femmes expliquent ne pas pouvoir accéder à un emploi en raison de leurs activités familiales et ménagères. Contre seul un peu plus de 40 millions d'hommes.
Les mères d'enfants de moins de 6 ans sont seulement 47,6% à être employées. Elles perdent une heure de travail par semaine, contre 18 minutes pour les hommes. Les femmes sont aussi souvent indépendantes dans l'économie informelle avec moins de cotisations à la protection sociale.
En 2016, sur plus de 180 pays, à peine un peu plus de 40% honoraient les normes minimales pour la protection de la maternité. Environ la même part n'avaient aucune disposition pour le congé paternité. Les prestations de soin de longue durée sont elles quasi inexistantes dans la plupart des pays d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine.
/ATS