Les ports francs suisses sont à nouveau dans le collimateur de la gauche française. Jean-Luc Mélenchon les a dénoncés à l'Assemblée nationale en décembre. Le gouvernement d'Edouard Philippe lui a promis de 'remettre l'ouvrage sur le métier'.
L'approbation par les députés français de l'accord fiscal sur l'aéroport de Bâle-Mulhouse a servi de prétexte à M. Mélenchon pour rouvrir le débat sur les ports francs. 'En France, personne n’est dupe de ce qu’est la Suisse aujourd’hui dans le domaine de l’évasion fiscale, de la fraude et des trafics', a affirmé le leader de la France insoumise à la mi-décembre.
Il s'exprimait à la tribune de l'Assemblée nationale. 'Il y a 20 ports francs en Suisse qui sont des zones de non-droit total', a dénoncé Jean-Luc Mélenchon. 'Nous avons le devoir de demander des comptes aux Suisses', a-t-il ajouté.
Précédent Sapin
Jean-Luc Mélenchon a notamment rappelé les déclarations de l'ancien ministre des Finances, Michel Sapin. Ce dernier avait créé la polémique à l'automne 2016 en évoquant des risques de l'utilisation des ports francs suisses pour le financement du terrorisme. Il avait pointé du doigt directement celui de Genève et dénoncé le stockage d'œuvres d'art en toute opacité.
Il y a un an, le conseiller fédéral Ueli Maurer, en charge des finances, avait profité de la participation du ministre au Forum économique mondial (WEF) à Davos (GR) pour lui montrer le port franc d'Embrach (ZH). Depuis, les autorités françaises n'avaient plus abordé le sujet.
Le président Emmanuel Macron, fraîchement élu, n'avait pas soulevé la question fiscale lors de la visite de la conseillère fédérale Doris Leuthard l'été dernier à Paris. Elle était alors présidente de la Confédération. Jusqu'à l'intervention de Jean-Luc Mélenchon sur l'accord de Bâle-Mulhouse, négocié par l'ancien gouvernement.
Prochaine visite française
Le secrétaire d'Etat auprès du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, a pourtant l'intention de soulever la question lors de sa visite prévue à Berne. Elle devrait avoir lieu 'dans les prochains mois', a-t-il affirmé.
La question des ports francs devrait être à l'ordre du jour. Il l'a assuré à Jean-Luc Mélenchon. 'La France, là aussi, n'hésite pas à remettre l'ouvrage sur le métier', a-t-il assuré.
L'échange automatique d'informations sera aussi au menu. 'Tout l'enjeu pour nous maintenant est d'obtenir que la Suisse accepte sur le plan bilatéral de mettre en oeuvre un certain nombre de préconisations pour être plus efficace dans l'échange d'informations', a-t-il affirmé.
Question récurrente
La question des ports francs est devenue récurrente dans le discours de la gauche française depuis quelques années. Les frères Alain et Eric Bocquet, tous deux élus communistes, les avaient déjà dénoncés l'an dernier dans un livre intitulé 'Sans domicile fisc'.
Selon le politologue Thomas Guénolé, ces dénonciations sont justifiées. A ses yeux, les ports francs sont 'l'équivalent des paradis fiscaux, mais pour les marchandises'.
Or il y a 'une anomalie dans le débat public actuel', a-t-il expliqué à l'ats. 'On a un énorme débat, beaucoup de mobilisation, d'indignation, de discussion et d'efforts de réglementation sur les paradis fiscaux, mais pendant ce temps-là personne ne parle des ports francs', s'est-il indigné.
Mélenchon isolé
Reste que Jean-Luc Mélenchon s'est retrouvé seul dans son combat contre la fiscalité suisse à l'Assemblée nationale. Au sein de la majorité présidentielle, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer les attaques du leader de la France insoumise. 'Finissons-en avec le contentieux fiscal et poursuivons sereinement notre coopération transfrontalière', s'est exclamé la députée Marion Lenne.
Cette dernière préside le groupe d'amitié franco-suisse et elle est députée du département voisin de la Haute-Savoie. Pour sa collègue Olga Givernet, du département également frontalier de l'Ain, ce débat est 'à des années-lumière de ce que vivent les Français et les Suisses'.
Il n'empêche que la réouverture de ce dossier tombe à un mauvais moment pour la Suisse. La Commission européenne l'a placée sur sa liste grise des paradis fiscaux. Le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), Ignazio Cassis, a exprimé son 'irritation' à son homologue français Jean-Yves Le Drian lors de sa visite à Paris en décembre.
Pour Manon Aubry, porte-parole de l'ONG Oxfam, cette décision est toutefois justifiée. 'La Suisse n'est plus un paradis fiscal d'antan grâce à l'échange automatique d'informations d'antan, mais elle est en train de se renouveler complètement en le devenant pour les entreprises', a-t-elle expliqué à l'ats.
Or Bruxelles a décidé de prendre la question de la fiscalité des entreprises au sérieux.
/ATS