Les banques privées ne devraient pas être empêchées de créer de l'argent en octroyant des prêts. Le Conseil des Etats ne croit pas aux vertus de l'initiative populaire dite de la monnaie pleine pour éviter bulles financières et faillites bancaires.
Les sénateurs ont rejeté jeudi tacitement l'initiative 'Pour une monnaie à l'abri des crises: émission monétaire uniquement par la Banque nationale!', sur laquelle le National doit encore se prononcer. Ils ont également refusé par 29 voix contre 11 de la combattre via un contre-projet indirect.
La gauche voulait imposer à moyen terme aux banques trop grandes pour faire faillite un ratio de fonds propres non pondéré de 10%. La majorité des gens ne savent pas que les banques peuvent créer de l'argent. Et la majorité de celui-ci n'a pas de lien avec l'économie réelle, a plaidé Anita Fetz (PS/BS).
Les avoirs déposés sur des comptes bancaires sont certes garantis jusqu'à 100'000 francs. Mais cela ne vaut que jusqu'à un total de six milliards. Il faut faire le maximum pour protéger les clients, a lancé la Bâloise.
On ne convaincra pas ainsi les initiants - des 'idéalistes' - à retirer leur texte, a fait valoir Ruedi Noser (PLR/ZH) au nom de la commission. Des efforts ont déjà été faits depuis 2008 avec la législation 'too big to fail', a rappelé Konrad Graber (PDC/LU). Et il ne faut pas se contenter de la question des fonds propres, a ajouté le ministre des finances Ueli Maurer.
Qui crée l'argent ?
La crainte d'une nouvelle crise financière est en toile de fond de la discussion. Actuellement, la création d'argent repose sur l'émission de pièces et de billets par la Banque nationale, l'achat de devises ou de papiers valeurs par cette dernière ainsi que l'octroi par la BNS de crédits aux établissements bancaires et les prêts de ces derniers.
Les banques commerciales ne peuvent que créer de la monnaie scripturale. Cet argent comptable ne représente pas un moyen de paiement légal. Un compte bancaire ne constitue qu'une créance des clients, soit la promesse des établissements de leur payer le solde en billets et pièces.
La solution ?
Les initiants - une association indépendante - critiquent ce système qui s'accompagne de formation de dettes. Les banques créent plus d'argent que nécessaire. Avec l'initiative, la BNS serait compétente pour produire l'ensemble de la masse monétaire. Cet argent nouvellement produit devrait l'être sans dette. La banque centrale devrait donc le transférer directement aux collectivités publiques ou aux citoyens.
La politique monétaire ne serait plus mise en oeuvre par le biais de taux d'intérêt mais par la gestion de la masse monétaire. Selon les initiants, l'argent de tous les comptes courants serait entièrement sécurisé. L'Etat n'aurait plus à sauver des banques à coups de milliards versés par les contribuables pour assurer le service des paiements.
Apprentis sorciers
Le Conseil des Etats ne croit pas à ces recettes. C'est trop beau pour être vrai, a commenté Hannes Germann (UDC/SH). Certes, seul l'argent comptant est roi. Mais de plus en plus de gens utilisent des cartes de crédit.
Les orateurs ont multiplié les appels à ne pas jouer les apprentis sorciers. Le modèle présenté ne repose pas sur des bases scientifiques mais relève plutôt de la foi (on y croit ou pas), a estimé Ueli Maurer. Tout en soulignant le système helvétique fonctionnait très bien.
Risques
L'incertitude liée à la réforme provoquerait une grande retenue dans l'investissement et la consommation ainsi que d'importants flux de capitaux internationaux.
La capacité d'action de la BNS en matière de politique monétaire pourrait diminuer et il serait plus difficile de garantir la stabilité des prix. La banque centrale ne serait plus en mesure, à long terme, de réduire la masse monétaire en vendant de l'or et des devises. Autre conséquence de l'initiative: les taux d'intérêt du franc et le taux de change seraient soumis à de fortes fluctuations.
Les banques, qui n'auraient plus le droit de financer l'octroi de crédits par des dépôts à vue, seraient obligées de recourir à d'autres sources de financement, éventuellement plus risquées. Les coûts du trafic des paiements pour les clients pourraient augmenter.
Les banques de petite taille seraient particulièrement frappées. Si la demande de crédits ne pouvait pas être satisfaite à l'aide d'autres sources de financement, la BNS devrait consentir des prêts aux banques. Et le volume des crédits serait donc en partie géré de manière centralisée.
/ATS