Des mesures sont prises pour combattre l'îlot de cherté suisse. Le Conseil fédéral ne veut en revanche pas s'attaquer aux droits de douane et à la TVA pour lutter contre le tourisme d'achat. Si le Parlement insiste, il prône un abaissement de la franchise.
De plus en plus de Suisses vont faire leurs courses de l'autre côté de la frontière, à cause notamment du franc fort. Ils peuvent se faire rembourser à l'étranger la TVA sur les produits qu'ils ont achetés.
Si leurs courses ne dépassent pas 300 francs par personne et par jour, ils ne doivent en outre pas s'acquitter de la taxe helvétique. Passé ce plafond, ils doivent payer la TVA voire une taxe spéciale pour certains produits dont l'importation est limitée comme la viande ou l'alcool.
Effet limité
Le tourisme d'achat fait beaucoup de vagues parmi les élus. Le Conseil fédéral a ainsi été chargé d'étudier des mesures pour y faire face. Il en a analysé toute une série dans un rapport adopté mercredi. Il n'y croit pas vraiment. Ces mesures auront un effet limité.
Selon le gouvernement, les consommateurs continueront à se rendre à l'étranger pour y effectuer des achats malgré un durcissement du régime d'importation. Le Conseil fédéral préfère miser sur les mesures destinées à lutter contre l'îlot de cherté: suppression d'entraves au commerce, renforcement du principe du Cassis de Dijon, mesures ciblées dans l'agriculture, modernisation dans le domaine du contrôle des fusions d'entreprises.
Il faut aussi être prêt à instaurer des conditions nettement plus favorables à l'économie et à mettre la Suisse sur un pied d'égalité avec l'étranger, notamment en réduisant la bureaucratie ainsi que les prescriptions et les charges, note le Conseil fédéral dans son rapport.
Le gouvernement estime même que la pression concurrentielle sur le commerce de détail suisse exercée depuis l'étranger peut être positive. Il souligne enfin que le grand défi est moins le tourisme d'achat que le commerce en ligne: les dépenses annuelles des ménages privés sur Internet ont passé d'un milliard de francs en 2004 à plus de huit milliards en 2015.
Pression parlementaire
Quoi qu'il en soit, le gouvernement aura fort à faire devant le Parlement. Les interventions d'élus se sont multipliées. La commission de l'économie du Conseil des Etats a exigé des mesures. Si les Chambres devaient persister sur cette voie, le Conseil fédéral leur recommande de miser sur une baisse limitée de la franchise actuellement fixée à 300 francs.
Il s'agit de la seule solution réalisable, à ses yeux. Même si la Suisse se distinguerait alors nettement des pays voisins (la franchise est de 300 euros dans l'Union européenne).
Pas question pour le Conseil fédéral de supprimer totalement la franchise car un petit présent comme un porte-clés ou une tasse souvenir devrait déjà être taxé. Et la perception de la taxe risque de coûter plus cher qu'elle ne rapporte.
Pour éviter trop de frais de contrôle, le gouvernement estime qu'il faut miser sur des mesures incitant les consommateurs à utiliser l'application de dédouanement. Si toutes les marchandises du trafic touristique étaient dédouanées par ce biais, seule une franchise basse, par exemple de 50 francs, pourrait encore être justifiée.
Mesures repoussées
Les autres mesures sont rejetées, le plus souvent parce qu'elles entraînent un surcroît de travail administratif, créent une inégalité de traitement, contreviennent aux règles de l'Organisation mondiale du commerce ou butent contre un refus des autres pays de coopérer. Ces défauts peuvent même se cumuler.
Le Conseil fédéral refuse ainsi de n'appliquer la franchise qu'aux personnes ayant séjourné plus de 24 heures à l'étranger ou de l'adapter au seuil d'exonération de la TVA dans le pays de provenance (elle serait alors de 175 euros pour la France, de 155 euros pour l'Italie, de 55 euros pour l'Autriche et il n'y aurait plus de limite pour l'Allemagne).
Autres solutions repoussées: octroyer uniquement la franchise si l'acheteur ne se fait pas rembourser la TVA étrangère, introduire un taux de TVA spécial ou unique pour le trafic touristique, ne baisser la franchise que pour le trafic frontalier, percevoir un émolument sur les achats à l'étranger, rembourser la différence entre la TVA étrangère et la TVA suisse ou faire verser un montant forfaitaire par l'Etat d'exportation.
/ATS