Le géant de l'automobile Volkswagen (VW) se démène pour organiser un gigantesque rappel des millions de voitures dont il a truqué les moteurs. Dans le même temps, la recherche des responsables de la fraude s'intensifie.
Après une première vague de limogeages au sommet la semaine dernière, de nouvelles têtes risquent de tomber, ces prochains jours, dans les étages de direction inférieurs du constructeur de Wolfsburg. L'ancien patron de VW, Martin Winterkorn, s'est vu contraint à la démission mercredi passé.
'Enquête sans concession'
Le présidium, un comité réduit du conseil de surveillance comprenant cinq personnes, devait tenir mercredi une nouvelle réunion de crise. L'organe de contrôle a promis 'une enquête sans concession'.
Faisant un parallèle avec la crise financière de 2008, le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, a fustigé mercredi 'l'avidité de gloire et de reconnaissance' chez Volkswagen.
'Quand on veut réussir sur les marchés mondiaux, la concurrence est incroyablement brutale. Tout le monde veut être le plus grand. On est abasourdi et on voit comment cela se termine une fois encore', a-t-il ajouté.
Un million d'engins au Royaume-Uni
Volkswagen, géant aux douze marques et 200 milliards d'euros (218,30 milliards de francs au cours actuel) de chiffre d'affaires mondial, a équipé 11 millions de véhicules dans le monde d'un logiciel capable de fausser les résultats de tests antipollution. La firme a ainsi pu faire passer certaines de ses voitures pour plus vertes qu'elles ne le sont vraiment.
En France, près d'un million de véhicules des marques VW, Audi et Skoda sont concernés. Et, au Royaume-Uni, 1,1 million de modèles sont victimes de ce scandale, selon de nouveaux chiffres publiés mercredi.
Discussions dès 2007 voire 2008
Une douzaine de hauts placés, soupçonnés d'avoir participé au développement et la mise en circulation du logiciel ou simplement d'avoir été au courant, ont été suspendus dans l'attente des conclusions d'une enquête interne, rapporte le mensuel Manager Magazin.
'Les gens qui ont permis que cela arrive, ou qui ont pris la décision d'installer ce logiciel, ont agi d'une manière criminelle. Ils doivent en porter la responsabilité personnelle', a grondé mardi Olaf Lies, membre du conseil de surveillance de Volkswagen et ministre de l'Economie du Land de Basse-Saxe, actionnaire de l'entreprise.
Le directeur financier du groupe, Hans-Dieter Pötsch, était sur la sellette mercredi, compte tenu de sa proximité avec l'ex-patron Martin Winterkorn. Il était entendu jusqu'à maintenant qu'il prenne la tête de l'organe de contrôle en novembre, mais cette promotion 'suscite de plus en plus de doutes', a déclaré au Handelsblatt Hans-Christian Hirt, directeur d'un fonds qui conseille un pool d'actionnaires de Volkswagen.
La question de 'qui savait quoi et quand' a suscité d'intenses spéculations. Les moteurs incriminés ont commencé à être commercialisés dès 2009. 'Cela signifie que le logiciel truqueur a dû faire l'objet de discussions dans la société à partir de 2007/2008', écrivait le Süddeutsche Zeitung.
Martin Winterkorn est arrivé aux manettes en 2007. Son prédécesseur, Bernd Pischetsrieder, et l'ancien patron de la marque VW ont fait savoir par leurs avocats mardi soir qu'ils n'avaient jamais rien su des moteurs manipulés.
Au niveau des nominations, Oliver Blume, 47 ans, a été désigné mercredi président du directoire de Porsche en remplacement de Matthias Müller. Le quadragénaire, jusqu'ici directeur de la production de la filiale de voitures de sport de VW, a été nommé par le conseil de surveillance. Il prendra ses nouvelles fonctions jeudi.
Titre à nouveau dans le vert
Après avoir vu plus de 40% de sa valeur boursière fondre en l'espace d'une semaine, l'action Volkswagen se reprenait légèrement mercredi. Elle affichait une hausse de 1,84% en milieu de journée.
Les avis de rappel de véhicules se multiplient partout en Europe. Les 5 millions de voitures de marque Volkswagen, des Golf, des Passat et des Tiguan notamment, devront repasser au garage, a prévenu le groupe, qui informera les clients en temps voulu.
Après la Suède, les Pays-Bas ou encore la Belgique, le chiffre de rappels prévus en Norvège a été diffusé. Quelque 147'000 voitures sont incriminées dans ce pays.
Pluie de plaintes
En parallèle, les enquêtes et les plaintes continuaient à pleuvoir. Après l'ouverture lundi par le parquet allemand de Brunswick d'une information judiciaire pour fraude à l'encontre de Martin Winterkorn, le parquet d'Ingolstadt, en Allemagne également, étudie une possible action en justice contre Audi, filiale de Volkswagen. Près de 2,1 millions de véhicules de la marque sont équipés du logiciel.
L'association française 'Ecologie Sans Frontière' a annoncé mercredi qu'elle allait porter plainte contre Volkswagen. Des propriétaires de Volkswagen en Corée du Sud vont faire de même.
De son côté, l'organisation allemande de protection des consommateurs et de l'environnement Deutsche Umwelthilfe a jugé que l'affaire Volkswagen concernait en fait toute l'industrie automobile européenne. Celle-ci est soupçonnée 'de fraude organisée'.
/ATS