François Hollande et Angela Merkel n'auront pas réussi à lui voler la vedette. Le train a été la véritable star de la journée inaugurale du tunnel de base du Gothard. L'ovation qui lui a été réservée montre à quel point la Suisse est attachée à ses chemins de fer.
A peine Johann Schneider-Ammann termine-t-il son discours de bienvenue que les invités applaudissent à tout rompre. L'enthousiasme ne s'adresse pas à lui, mais aux deux trains apparaissant sur les écrans géants de la halle de Rynächt (UR). Le président de la Confédération vient de leur donner le signal de départ pour traverser le plus long tunnel ferroviaire du monde.
L'émotion traverse l'assistance comme si elle venait d'apercevoir un membre de la famille accomplir un exploit. Elle lui fait vite oublier les absences d'Angela Merkel de Matteo Renzi et de François Hollande. Les 'grands' du nord, du sud et de l'ouest se joindront à la fête plus tard.
Acteurs et figurants ont beau donner la chair de poule à travers une prestation tonique et mystique, rien n'égale l'enthousiasme transmis par l'annonce de l'arrivée des trains après leur traversée de l'ouvrage du siècle, en fin de spectacle. Les spectateurs se ruent à l'extérieur, sous le soleil timide.
Traversée bruyante
A leur tour, ils montent peu après dans un convoi officiel, la Chancelière allemande, le Premier ministre italien et le Président français les ayant rejoints entretemps.
Durant la traversée du tunnel, les discussions nourries et conviviales couvrent les descriptions techniques et géographiques transmises par haut-parleur. Aucune trace d'ennui parmi les politiques, journalistes, chefs d'entreprise et ingénieurs malgré la demi-heure de trajet dans un tube sombre.
'Sur la bonne voie'
Un soleil généreux et une température toute tessinoise accueillent les voyageurs de marque - la fin d'un long tunnel, au sens propre et figuré. 'Les gens peuvent maintenant se rendre compte de notre travail', confie à l'ats Pascal Sigrist, architecte et membre d'un groupe de conseillers chargés de l'aménagement unitaire de l'ouvrage (BGG). 'Le résultat nous montre que nous sommes sur la bonne voie. Il nous donne du courage pour l'aménagement du tunnel du Ceneri'.
Pour ce Romand bilingue établi à Zurich et ses collègues, cet aboutissement est particulièrement émouvant. Ils arborent sur une plaquette fixée à leur veston la photo de l'architecte tessinoise Flora Ruchat-Roncati, membre charismatique et seule femme du groupe, décédée d'un cancer avant la fin des travaux. 'Elle est là, avec nous, durant cette journée.'
François Hollande et les trains à 200 km/h
L'émotion est également au rendez-vous sous la tente dressée à Pollegio (TI), lorsque Angela Merkel, montée sur scène sous un tonnerre d'applaudissements, rend hommage aux neuf ouvriers morts aux courts des travaux. L'assistance écoute religieusement la Chancelière allemande qui salue la précision et l'innovation suisse.
La fête enjouée prend rapidement le dessus. Les convives savourent les spécialités tessinoises servies à table et aux buffets. La cheffe de cérémonie doit les prier de rester attentif, le flot de leur parole ayant presque rendu inaudible les propos du ministre italien des transports Graziano Delrio.
Les rires, eux, iront au président français François Hollande et à son humour légendaire: 'Aujourd'hui, et c'est très rare, la France s'incline devant la Suisse.' Puis, dans une allusion faite aux grèves de la SNCF: 'Faire circuler des trains à 200 km/h dans un tunnel est une performance que la France n'est actuellement pas à même de réaliser...'
Bons mots, petits fours, meeting aérien... Rien n'égale pourtant le plaisir du voyage en train. Le convoi attend déjà les convives sur le quai provisoire installé devant le portail sud. Chic chic, une seconde traversée avant de rentrer!
/ATS
