Le franc fort et le net recul des visiteurs russes pèsent sur le tourisme suisse. Après deux années de lente convalescence, le nombre des nuitées est attendu en légère baisse cette année.
Par rapport à l'an passé, les nuitées devraient reculer de 0,6% en 2015, selon les estimations présentées jeudi par le centre de recherches conjoncturelles (KOF) de l'EPFZ. En 2016, les séjours hôteliers devraient à nouveau augmenter un peu, de 0,8%.
L’envol de la devise helvétique depuis l'abandon du taux plancher en janvier a marqué la dernière saison hivernale. Le conflit entre Kiev et Moscou aussi. Les touristes indigènes étaient au rendez-vous, mais les visiteurs étrangers de la zone euro et de Russie ont boudé la Suisse.
Allemands sensibles au change
Selon le KOF, le nombre de nuitées a stagné sur l'ensemble de l'hiver 2014/2015. Entre novembre et février, la demande était pourtant encore supérieure à celle de la même période un an plus tôt. L'afflux des résidents a été neutralisé par le reflux des clients français (-6%), allemands (-5,4%) et italiens (-2,5%).
'Malgré la très bonne conjoncture dans leur pays, les Allemands viennent moins depuis 2009', observe Jan-Egbert Sturm, directeur du KOF. Alors que les voisins d'outre-Rhin forment le plus gros groupe de visiteurs, ils réagissent aussi davantage au taux de change. Entre 2007 et 2017, la Suisse aura perdu plus d'un tiers des nuitées allemandes.
Si les Russes constituent une catégorie plutôt 'atypique' de clients, leur désertion ne s'en fait pas moins sentir. Effondrement du rouble oblige, pour la période de janvier à mars, leur fréquentation des hôtels et établissements de cure suisses a chuté de 30,5% en l'espace d'un an, à environ 142'400 nuitées.
Eté morose
Pour la saison estivale 2015, qui court de mai à octobre, le KOF prévoit une diminution de 1% des séjours en hôtel. Cette fois, les clients suisses manqueront aussi à l'appel (-1,9%).
En effet, le franc fort, qui affecte le climat de consommation intérieur, aura aussi un impact sur les dépenses touristiques. Pour rappel, l'institut zurichois table sur une croissance marginale de l'économie domestique de 0,2% en 2015.
Quant aux clients étrangers (-0,4%), ils devraient plus ou moins se raréfier selon les pays d’origine. Les séjours d'Allemands devraient chuter cet été de près de 11%. Les arrivées en provenance d'Asie et des Etats-Unis vont toutefois compenser en partie la défection des Européens.
Attrait des villes
Les villes continueront d'attirer du public. Les nuitées urbaines devraient croître de 1,1% en 2015. À l’inverse, les destinations de montagne souffriront le plus du franc fort. Là, un recul de 1,4% est anticipé pour l'ensemble de l'année. Les autres régions, comme celle des Trois-Lacs ou Fribourg, auront moins de succès (-2,3%).
La Suisse centrale accueillera davantage d'hôtes (+2,3%), tandis que leur nombre devrait rester stable dans l’Oberland bernois. La baisse va se poursuivre au Tessin et aux Grisons. Le Valais (-3,6%) et Vaud (-1,6%) seront encore pénalisés cette année.
Conjoncture favorable
La valeur ajoutée du tourisme régressera elle aussi légèrement durant l’exercice en cours et le suivant. Les experts de l'EPFZ tablent sur une baisse de -2,1 % en 2015 puis de -1,1% en 2016. Les baisses de prix consenties pour préserver la compétitivité, notamment face aux concurrents européens, grèveront les marges.
Somme toute, les répercussions de la vigueur actuelle du franc s’avèrent moins marquées que durant la dernière phase d’appréciation, qui avait conduit à l’introduction du taux plancher le 6 septembre 2011, observe le KOF. D'une part, l'Europe va mieux. D'autre part, le dollar s'est lui aussi revalorisé.
'Le tourisme helvétique a perdu des parts de marché en faveur de l'Union européenne', concède M. Sturm. Mais l'expert n'est pas inquiet pour l'avenir. Les hôteliers suisses devraient eux aussi profiter de l'amélioration de la conjoncture mondiale. En 2017, les nuitées sont attendues en hausse de 2,6%.
/ATS