Neuf responsables et journalistes du principal quotidien d'opposition turc ont été placés en détention samedi. Cette mesure intervient au lendemain de l'arrestation de responsables politiques prokurdes et d'un attentat revendiqué par l'EI mais attribué aux Kurdes.
Parmi les neufs personnes placées officiellement samedi en détention préventive se trouvent notamment le rédacteur en chef du journal, Murat Sabuncu, l'éditorialiste Kadri Gursel ou le dessinateur Musa Kart. Ils faisaient parti d'un groupe de treize personnes dont l'arrestation en début de semaine a suscité un regain d'inquiétude pour la liberté de la presse en Turquie.
Deux d'entre elles, le chef comptable du journal et son prédécesseur, ont été relâchées. Deux autres, les éditorialistes Hikmet Cetinkaya et Aydin Engin, ont été relâchées sous contrôle judiciaire en raison de leur âge et de problèmes de santé, a précisé l'agence turque Dogan.
'Liens' avec Gülen et le PKK
Le parquet avait annoncé au moment des arrestations que celles-ci se faisaient dans le cadre d'une enquête pour 'activités terroristes' en lien avec le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen - accusé d'avoir ourdi le putsch raté du 15 juillet - et avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).
Cumhuriyet avait quant à lui assuré après ces arrestations qu'il lutterait 'jusqu'au bout', dans un pays où la presse a été particulièrement visée par les purges menées depuis la tentative de putsch. Quinze quotidiens, magazines et agences de presse, basés pour la plupart dans le sud-est à majorité kurde, ont été fermés ces dernières semaines.
Samedi, la police turque a fait usage d'un canon à eau et de gaz lacrymogènes à Istanbul pour tenter de stopper des manifestants qui tentaient de marcher vers le siège de Cumhuriyet, selon un journaliste de Reuters.
Arrestation de députés
Les manifestants protestent aussi contre l'arrestation, vendredi, des deux co-présidents du Parti démocratique des peuples (HDP), Selhattin Demirtas et Figen Yuksekdag, et d'une dizaine de députés de ce parti pro-kurde, troisième force politique au parlement.
Un tribunal de Diyarbakir a décidé de les placer en détention préventive, dans le cadre d'une enquête 'antiterroriste' liée au PKK, selon l'agence progouvernementale turque Anadolu. Une quinzaine d'autres députés et de responsables régionaux du HDP ont été arrêtés ailleurs dans le pays.
Attentat meurtrier
Dans la foulée de ces arrestations, un attentat à la voiture piégée a frappé vendredi matin un bâtiment de la police à Diyarbakir, 'capitale' du sud-est turc à majorité kurde, faisant onze morts, dont deux policiers, et plus de cent blessés, selon un bilan de l'agence Anadolu.
L'attentat a été revendiqué par l'organisation Etat islamique (EI), par l'intermédiaire de l'agence Amaq, son organe de propagande, selon le centre de surveillance des mouvements djihadistes SITE. Mais les autorités turques ne croient pas à cette revendication.
Dans un communiqué, les services du gouverneur de Diyarbakir soulignent qu'il est 'évident' que l'attentat a été commis par le PKK et ajoutent que des communications entre militants du mouvement séparatiste kurde ont été interceptées. Plus tôt dans la journée, le premier ministre Binali Yildirim avait déjà pointé du doigt le PKK.
Le HDP a fait remarquer que six de ses députés arrêtés se trouvaient justement dans le bâtiment visé et avaient manqué de peu être touchés. Il a ainsi suggéré que ces élus auraient pu être la véritable cible de l'EI - que les Kurdes combattent eux aussi en Syrie et en Irak.
Deux enfants tués
Samedi, deux enfants ont été tués dans l'explosion d'une bombe déposée par des séparatistes du PKK, ont annoncé les services du gouverneur de la province de Sirnak, dans le sud-est du pays. Quatre autres enfants ont été blessés dans l'explosion.
/ATS