Il y a un an, la Grèce portait au pouvoir Alexis Tsipras dans l'espoir d'en finir avec l'austérité. Un rodéo politico-économique plus tard, le patron de Syriza est mieux vu par les créanciers du pays que par les Grecs eux-mêmes.
Le Premier ministre de gauche radicale, 41 ans, suit depuis le 25 janvier dernier 'une longue année d'apprentissage du pouvoir', résume le politologue Georges Sefertzis.
Elu en opposition à la 'troïka' des créanciers, Union européenne (UE), Fonds monétaire international (FMI), Banque centrale européenne (BCE), qui dirigeaient depuis 2010 les deux premiers plans d'aide à la Grèce, M. Tsipras a cru d'abord pouvoir leur tenir tête, aiguillonné par son téméraire ministre des Finances Yanis Varoufakis.
Procrastination
Cette période de procrastination, marquée fin juin par un paiement manqué au FMI - situation rarissime -, et l'instauration d'un contrôle des capitaux, toujours en vigueur, pour éviter la ruine des banques, s'est achevée dans la confusion avec le référendum du 5 juillet.
Il fallait dire 'oui ou non aux dernières propositions des créanciers'. M. Tsipras l'a triomphalement emporté, 62% des Grecs votant non comme il l'avait recommandé.
Volte-face
Mais sous l'incroyable pression des Européens qui menaçaient de jeter son pays hors de l'euro, il a fait volte-face, se séparant de M. Varoufakis et acceptant huit jours après de signer un troisième plan de sauvetage du pays contre 86 milliards d'euros de prêts.
Puis, pour se débarrasser de l'aile gauche de Syriza, qui n'aurait pas voté ce plan, il a démissionné afin de pouvoir remplacer les contestataires par des fidèles lors de nouvelles législatives, gagnées le 20 septembre.
Certaines réformes traînent
'Le Tsipras de cette année n'est pas celui de l'année dernière, heureusement', reconnaît le député d'Etat Théodore Fortsakis (Nouvelle Démocratie, ND, droite). 'Mais Syriza s'est comporté de manière irresponsable avec ces huit mois initiaux de soi-disant négociation'.
Depuis, certaines réformes traînent. Des points durs restent en suspens, comme la réforme des retraites, qui sera l'objet d'une grève générale le 4 février et qu'Alexis Tsipras est déterminé à mener à bien, comme il l'a assuré dimanche.
Ce retard n'affole pas l'agence de notation Standard & Poor's, qui a même relevé vendredi la note souveraine de la Grèce (de 'CCC+' à 'B-'), pariant qu'Athènes aurait rempli 'd'ici fin mars' les conditions prévues par le plan.
Cela ouvrirait enfin la voie à un allègement par les créanciers de la dette publique du pays (190% du PIB), une victoire politique pour M. Tsipras.
Eviter un nouveau bras de fer
Les créanciers 'voient bien que Tsipras s'accroche', analyse Jesus Castillo, économiste chez Natixis, et surtout, 'ils ne veulent pas se réembarquer dans un bras de fer avec la Grèce', car 'ils ont d'autres sujets de préoccupation'.
Comme la crise des migrants, dans laquelle la Grèce est en première ligne après en avoir vu transiter par son sol 800'000 en 2015, 80% du total des entrées en UE.
Népotisme
C'est à domicile que M. Tsipras est désormais le plus critiqué. 'Tsipras est en train de perdre sa dynamique', remarque M. Sefertzis.
En un an, il n'a pu réaliser de son programme de gauche que les réformes sociétales: possibilité pour les enfants d'immigrés nés en Grèce d'obtenir la nationalité grecque, instauration d'une union civile pour les couples homosexuels. Il a beaucoup voyagé aussi, cultivant l'équilibre entre Etats-Unis et Russie, Israël et pays arabes.
Autre critique, il laisserait Syriza pratiquer, assure M. Fortsakis, 'le népotisme à un niveau inédit', dans un pays dont c'est le mal endémique.
Talon d'Achille
Le talon d'Achille d'Alexis Tsipras est sa minuscule majorité parlementaire, 153 députés sur 300, qu'il ne doit qu'aux neuf sièges de son allié de droite souverainiste ANEL. 'Avec une aussi faible majorité, tout peut arriver' au moment de voter des réformes impopulaires, soutient M. Sefertzis.
D'autant que vient d'être élu un nouveau chef de la ND, l'ex-ministre de la Réforme administrative Kyriakos Mitsotakis, 47 ans, politicien moderne 'qui va lui faire la vie plus difficile', prédit Georges Sefertzis.
/ATS