Celui qui a jadis dirigé toutes les polices de France se retrouve de l'autre côté de la barrière, en garde à vue: l'ancien ministre de l'Intérieur Claude Guéant a dû répondre aux enquêteurs sur son rôle dans l'arbitrage entre Bernard Tapie et le Crédit Lyonnais.
Entamée dans la matinée, la garde à vue à la Brigade financière de l'ancien secrétaire général de l'Elysée a été levée vers 21h30 et reprendra mardi matin, a annoncé une source policière.
C'est la deuxième fois que l'ancien "premier flic" de France est soumis à cette mesure coercitive déjà imposée dans l'affaire de ses primes perçues en liquide quand il était directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur.
Son audition dans le dossier de l'arbitrage était attendue. Claude Guéant a-t-il joué un rôle moteur dans la décision à l'automne 2007 de préférer un tribunal privé à la justice ordinaire pour régler le vieux différend entre le Crédit Lyonnais et Bernard Tapie sur la revente d'Adidas?
A-t-il pesé dans celle de ne pas contester la sentence qui octroyait plus de 400 millions d'euros à l'homme d'affaires? A-t-il été sollicité pour que le fruit de l'arbitrage soit soumis à une fiscalité indulgente? Les juges soupçonnent que la sentence soit le résultat d'un "simulacre" d'arbitrage organisé avec l'aval de l'Elysée.
Ont été pour l'heure mises en examen pour escroquerie en bande organisée cinq personnes dont Bernard Tapie, son avocat Maurice Lantourne, un des trois juges-arbitres, Pierre Estoup, et l'ancien directeur de cabinet de Christine Lagarde à Bercy, Stéphane Richard.
A l'issue de sa garde à vue, Claude Guéant peut être relâché sans charge ou présenté aux juges pour une éventuelle mise en examen. Devant les enquêteurs, Stéphane Richard a expliqué que son "interlocuteur à l'Élysée sur ce dossier (avait) été M. Guéant", "apparu dès le départ très impliqué sur cette affaire".
Désormais avocat, Claude Guéant, 69 ans, devrait détailler ses relations avec Bernard Tapie et expliquer les nombreuses visites de l'homme d'affaires à l'Elysée, en 2007 et 2008, dans une période cruciale pour l'arbitrage. Parmi elles, une réunion clé, qu'il avait convoquée, fin juillet 2007, en présence de Bernard Tapie.
Bernard Tapie, qui estime avoir été escroqué par le Crédit Lyonnais dans la revente d'Adidas à Robert Louis-Dreyfus, ne conteste pas avoir tenté de sensibiliser des responsables successifs de l'exécutif, de droite comme de gauche, pour obtenir réparation.