Amnesty International a appelé jeudi le Nigeria à criminaliser enfin la torture. L'organisation constate que sa pratique est d'une gravité et d'une ampleur "insoutenables" au sein des forces de sécurité. Elle est dénoncée depuis des années par les défenseurs des droits de l'homme.
Dans un nouveau rapport intitulé "Bienvenue en enfer", Amnesty rassemble des centaines de témoignages recueillis depuis 10 anas. Elle avertit que "ces pratiques vont bien au-delà des tortures et des homicides dont sont victimes les membres présumés du (groupe islamiste) Boko Haram", qui mène une insurrection sanglante depuis 2009.
"Dans tout le pays, l'ampleur et la gravité des tortures infligées aux hommes, femmes et enfants nigérians par les autorités censées les protéger sont insoutenables même pour les observateurs des droits humains les plus endurcis", a déclaré Netsanet Belay, directeur de la recherche à Amnesty International, dans un communiqué accompagnant la sortie du rapport.
"La torture fait tellement partie du système de maintien de l'ordre au Nigeria que de nombreux postes de police disposent d'un agent officieusement désigné comme +chargé de torture+", explique Amnesty.
L'organisation a établi une liste de 12 méthodes de torture employées par les forces de l'ordre nigérianes. Selon elle, "l'éventail des techniques utilisées est effrayant et comprend notamment l'arrachage d'ongles ou de dents, la suffocation, les décharges électriques et les violences sexuelles".
Le rapport "révèle aussi que la plupart des personnes arrêtées sont détenues au secret - sans contact avec l'extérieur, que ce soit avec leurs avocats, leurs familles ou les instances judiciaires".
"La torture n'est pas considérée comme un crime aux termes du droit nigérian. Le Parlement de ce pays doit immédiatement adopter une loi érigeant la torture en infraction. Cette mesure est attendue de longue date et rien ne saurait justifier un nouveau retard", ajoute M. Belay. Une loi interdisant la torture est bloquée au Parlement nigérian depuis deux ans.
Le Nigeria est considéré par Amnesty comme le cinquième pays au monde où la pratique de la torture est la plus répandue.
En février 2012, Mohammed Abubakar, alors chef de la police, avait admis lui-même avoir observé des exécutions sommaires et des détentions arbitraires au sein de la police.