Remaniement du gouvernement suite à un scandale de corruption

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a procédé mercredi soir d'urgence à un vaste remaniement ministériel. Il suit la démission de trois de ses ministres, mis en cause dans un retentissant scandale de corruption qui éclabousse le sommet de l'Etat depuis huit jours.

Au terme d'un entretien avec le chef de l'Etat Abdullah Gül, M. Erdogan a présenté devant la presse sa nouvelle équipe ministérielle. Au même moment, des manifestants exigeaient sa démission dans plusieurs villes du pays, notamment à Istanbul, Ankara et Izmir, faisant ressurgir le spectre de la fronde antigouvernementale qui a défié son autorité en juin dernier.

En plus du remplacement des trois ministres démissionnaires, le chef du gouvernement en a profité pour remercier son fidèle ministre des affaires européennes Egemen Bagis, dont le nom a été cité par la presse dans le contexte de l'enquête ouverte par la justice.

Au total, dix ministres ont été remplacés à la faveur de ce renouvellement, dont ceux de la famille, de la justice et des transports, tous les trois candidats aux prochaines élections municipales de mars prochain.

Epreuve majeure

Après huit jours de controverses, l'opération anticorruption sans précédent engagée par la justice turque s'est transformée mercredi en épreuve politique majeure pour M. Erdogan. Il a dû enregistrer les démissions successives de trois de ses proches, les ministres de l'intérieur Muammer Güler, de l'économie Zafer Caglayan et de l'environnement Erdogan Bayraktar.

MM. Güler et Caglayan concentraient sur eux toutes les critiques, après l'incarcération samedi dernier de leurs fils. Ceux-ci sont inculpés de corruption, fraude et blanchiment d'argent dans le cadre d'une enquête judiciaire liée à des ventes illégales d'or à l'Iran sous embargo. Une vingtaine d'autres personnes ont été inculpées et écrouées dans le cadre de cette affaire.

Campagne

Elle éclabousse le Parti de la justice et du développement (AKP) de M. Erdogan, en pleine campagne pour les élections locales du 30 mars 2014.

Sur la même ligne que leur Premier ministre depuis le début du scandale, MM. Güler et Caglayan ont nié toute implication dans ce scandale et dénoncé un "complot" ourdi pour déstabiliser le pouvoir.

Pavé dans la mare

Mais leur collègue Erdogan Bayraktar, dont le fils a également été inculpé mais laissé libre dans le cadre d'un autre volet de l'affaire lié à des marchés publics immobiliers, a jeté un pavé dans la mare en réclamant la démission de M. Erdogan lui-même.

Furieux d'avoir été poussé hors du gouvernement, il a assuré que le Premier ministre était parfaitement au courant de ses faits et gestes. "De ce fait, je crois que le Premier ministre devrait aussi démissionner", a-t-il lancé en dénonçant ses "pressions".

Trop tard

Le chef du principal parti d'opposition, le Parti républicain du peuple (CHP), Kemal Kiliçdaroglu, s'est contenté de saluer les démissions des trois ministres, regrettant seulement qu'elles "arrivent un peu trop tard".

Mercredi après-midi devant des cadres de son parti, fidèle à sa rhétorique depuis le début de l'affaire, M. Erdogan avait une nouvelle fois dénoncé une "conspiration à grande échelle" contre son gouvernement. "C'est une affaire présentée sous la forme d'une opération judiciaire qui vise en fait à porter atteinte à l'avenir de la Turquie", a-t-il proclamé sous les ovations de ses partisans.

Manifestations

Mercredi soir, plusieurs rassemblements se sont déroulés à Istanbul, dans la capitale Ankara et à Izmir pour exiger sa démission. Les manifestants ont exhumé des slogans utilisés lors de la vague de contestation sans précédent qui a secoué le pays pendant les trois premières semaines de juin.

/ATS


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