Trois ans et demi après le décès de Skander Vogt dans sa cellule de Bochuz, dans le canton de Vaud, les souvenirs des intervenants lors de la nuit du drame ont tendance à s'estomper. Pour un des gardiens interrogés lundi, la situation était toutefois clairement "exceptionnelle" et méritait une attention particulière.
Très attendu, le procès de l'affaire Skander Vogt a débuté lundi à Renens. Neuf prévenus se sont retrouvés devant la Cour, accusés principalement d'homicide par négligence, d'exposition et d'omission de porter secours.
Durant la lecture de l'acte l'accusation, la présidente Erica Riva Annaheim a tenu à rappeler à plusieurs reprises que la thèse était bien celle du procureur, mais que le tribunal devait établir les faits. Pas à pas, elle a ensuite interrogé les prévenus pour leur demander de confirmer ou d'apporter leur version des faits.
Le premier prévenu à avoir pris la parole est un gardien qui a assuré partiellement la centrale téléphonique à Bochuz durant la nuit du 10 au 11 mars pendant laquelle Skander Vogt est décédé après avoir bouté le feu à son matelas. Pour cet homme, la situation au pénitencier était très rapidement extraordinaire. A tel point qu'il a demandé à son sous-chef, qui avait fini son service, de rester, mais il a refusé.
Entre les menaces de mort ou celles de mettre le feu à sa cellule, la situation était "effrayante et très pénible", a affirmé le gardien. Skander Vogt était "déjà haut dans les tours" et, de nuit, il n'y a pas d'autre moyen pour essayer de le calmer que de lui parler, a-t-il relevé.
Un autre agent de détention s'est toutefois montré moins alarmé par les événements de cette soirée. "Je n'ai rien constaté de particulier et je ne me souviens pas que mon collègue ait demandé au sous-chef de rester".
Les informations reçues étaient "inquiétantes", a jugé de son côté un troisième gardien, "surtout en sachant de qui il s'agissait". Skander Vogt n'était "pas n'importe qui, c'était une personne lourde à gérer", a-t-il souligné.
Le drame remonte à la nuit du 10 au 11 mars 2010. Peu avant 00h50, Skander Vogt, 30 ans, met le feu au matelas de sa cellule après des mots avec les gardiens. Considéré comme dangereux, il ne sera pas extrait des fumées mortelles par le personnel qui veut attendre le DARD (détachement spécial) de la police cantonale. A 03h00, il est déclaré mort.
Condamné à 20 mois de prison en janvier 2001 pour voies de fait, Skander Vogt a vu sa peine commuée en internement. Il ne supporte pas ce statut et s'était retranché une trentaine d'heures en 2008 sur le toit de la prison afin de dénoncer son calvaire.
Classée par la justice vaudoise, l'affaire passe en jugement après l'acceptation du recours de Senda Vogt, soeur de Skander, par le Tribunal fédéral. La défense des accusés (personnel pénitentiaire et sanitaire) plaidera elle l'acquittement.