Le Conseil fédéral avait donné son accord à l'arrestation par le Ministère public de la Confédération (MPC) de Pierre Condamin-Gerbier pour espionnage économique. Interpellé le 5 juillet, l'ex-cadre de la banque genevoise Reyl se trouve actuellement en détention préventive en Suisse. Son arrestation fait des vagues en France, où il est un témoin-clé dans l'affaire Cahuzac.
Dans le cadre d'une poursuite pour un délit contre l'Etat tel que le service de renseignement économique, l'autorisation du gouvernement est nécessaire, a souligné le procureur général de la Confédération, Michael Lauber, cité dans le quotidien "Le Temps" paru mercredi et dont les propos ont été confirmés par le MPC.
Plainte de la banque Reyl
Son ancien employeur, la banque Reyl & Cie et sa filiale Reyl Private Office, a déposé le 17 juin une plainte pénale auprès du parquet fédéral. Ce Français installé en Suisse est accusé par la banque de vol, faux dans les titres et violation du secret professionnel et commercial.
Des faits qui ont également été vérifiés par le MPC: "La plainte n'est pas la seule base sur laquelle nous avons arrêté le prévenu", précise Michael Lauber. Mais, à l'heure actuelle, la suite des procédures à son encontre et le type de peine qu'il encourt n'ont pas encore été établis.
Sa détention provisoire a été confirmée par un tribunal des mesures de contrainte. Elle doit être réexaminée à intervalles réguliers.
Cahuzac n'était qu'un "fusible"
Auditionné en juin devant une commission parlementaire française comme témoin dans l'affaire Cahuzac, Pierre Condamin-Gerbier avait souligné posséder une liste "d'une quinzaine" de noms d'ex-ministres ou d'actuels ministres détenteurs d'un compte en Suisse. Il avait alors assuré que Jérôme Cahuzac n'était qu'un "fusible" dans cette affaire. Le 2 juillet, il avait transmis cette liste à la justice française.
L'arrestation a provoqué plusieurs réactions de parlementaires en France. Le député socialiste Yann Galut, rapporteur de projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance financière, a jugé "pour le moins surprenante" l'arrestation de Pierre Condamin-Gerbier. "Nous souhaitons que le gouvernement français interpelle le gouvernement suisse pour essayer de trouver une solution et clarifier les choses", a-t-il déclaré.
Le président de la commission d'enquête parlementaire sur l'affaire Cahuzac s'est aussi étonné de l'arrestation de l'ancien banquier. Si la Suisse estime "normal de mettre en détention provisoire un homme ou une femme parce qu'ils ont dénoncé des faits qui sont des crimes ou des délits dans tous les Etats démocratiques sauf en Suisse, ça pose un petit problème pour ceux qui croient encore à la démocratie".
Suivre la loi
"Peut-être que ce n'est pas tellement bon pour notre réputation à l'étranger, mais nous faisons ce que notre loi nous ordonne de faire", a estimé Michael Lauber, qui se défend d'avoir voulu "faire un exemple".
L'ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac a été contraint de démissionner du gouvernement français le 19 mars après avoir avoué avoir détenu un compte bancaire en Suisse, transféré ensuite à Singapour. Cette déclaration était intervenue après des mois de dénégation.