Bruxelles et Berne enterrent la hache de guerre concernant la fiscalité des entreprises. Les deux pays ont paraphé mardi à Berne une déclaration conjointe. Mais la Suisse devra encore montrer patte blanche avec la réforme promise de l'imposition des sociétés. .
Le secrétaire d'Etat aux questions financières internationales Jacques de Watteville et son homologue européen Heinz Zourek ont apposé leur signature au document. Tous deux se sont félicités d'avoir pu mettre un terme à neuf ans de discussions houleuses.
La Suisse est notamment satisfaite que les menaces très sérieuses de mesures de rétorsion ne se soient pas concrétisées et qu'on ne l'oblige pas à reprendre le code de conduite européen en la matière. La déclaration conjointe, qui doit encore recevoir l'aval du Conseil fédéral, ne contient aucune obligation relevant du droit international et se limite à énumérer des principes et objectifs communs.
Berne s'engage à abolir les cinq régimes fiscaux critiqués par l'Union européenne (UE). Les sanctions existantes - notamment de la part de l'Italie - seront levées dès que ces systèmes disparaîtront en Suisse.
Bruxelles veut notamment que soit supprimée la différence de traitement entre les revenus de source suisse et ceux de source étrangère. La taxation cantonale des holdings, des sociétés d'administration et des sociétés mixtes est depuis longtemps dans la ligne de mire de l'UE.
Au niveau fédéral, ce sont les multinationales ayant leur siège en Suisse et des filiales à l'étranger qui sont concernées, de même que celles fonctionnant sous le "Swiss finance branch" qui permet aux entreprises étrangères d'avoir leur raison fiscale en Suisse.
Le Conseil fédéral lancera son projet de 3e réforme des entreprises après la pause estivale. Pour éviter que les sociétés étrangères bénéficiant actuellement d'un avantage fiscal ne quittent la Suisse, il entend miser sur de nouveaux outils spéciaux acceptés internationalement et une baisse de l'imposition cantonale des entreprises.
Parmi les "outils spéciaux" figurent les "licence box" qui permettent à des entreprises exploitant des brevets d'obtenir un taux réduit d'impôt. Cet instrument est appliqué dans plusieurs pays comme le Luxembourg, la Belgique et les Pays-Bas et il existe une large palette de possibilités de conception.
Reste un hic: elles sont contestées tant parmi les Vingt-Huit qu'au sein de l'OCDE. Plusieurs Etats membres de l'UE ont effet récemment exprimé la crainte que la Suisse introduise de nouveaux régimes fiscaux "dommageables". Ils ont obtenu le droit de prendre des mesures de rétorsion au cas où Berne trouverait de nouvelles astuces fiscales.
Les experts européens doivent évaluer d'ici la fin de l'année les systèmes de "licence box" existants. Il ne s'agira pas de dire "oui" ou "non", mais plutôt de définir dans quelles conditions une "box" est autorisée. Au-delà du strict point de vue des pratiques fiscales dommageables, l'UE va aussi vérifier que ces instruments ne constituent pas une entrave à la concurrence via une aide étatique, a expliqué M.Zourek.
La Suisse serait bien avisée de tenir compte des standards internationaux, selon M. de Watteville. Elle va suivre de très près ce que fera l'UE, et surtout l'ODCE au sein de laquelle Berne essaie de développer des normes avec des pays qui ont des vues semblables.
Il est possible que le gouvernement adapte la réforme en cours de route. On y verra plus clair d'ici à ce que le projet soit remis au Parlement l'année prochaine, a expliqué le secrétaire d'Etat. Son homologue européen s'est montré compréhensif face à la lenteur des révisions législatives helvétiques.
Le Conseil fédéral a encore fort à faire pour contenter tous les cantons avec son projet, qui risque de coûter entre un et trois milliards de pertes fiscales. Si personne ne remet en cause le fond de la 3e réforme de l'imposition des entreprises, les modalités d'application divisent les esprits.