Le Trophée du Doubs a pris des airs de course internationale ces dernières semaines. Plusieurs cyclistes ukrainiens et ukrainiennes ont pris part aux deux dernières manches de l’épreuve jurassienne ces deux derniers mercredis. Les Ukrainiennes ont même paré les podiums de jaune et de bleu lorsqu’elles ont signé un triplé aux trois premières places la semaine dernière entre La Goule et Le Noirmont. Ce mercredi encore, à l’amorce d’une dernière pente raide à Saignelégier surgit soudain un maillot de l’équipe nationale d’Ukraine. Au bout de l’effort, Iryna Shimanska, 19 ans, est la première femme à franchir la ligne d’arrivée, à 1'500 km de chez elle. « Ça me plaît beaucoup de courir ici où c’est montagneux. Oui, je suis heureuse de la victoire, malgré tout ce qui se passe », confie la jeune athlète qui a devancé la Taignonne Odile Spycher et sa compatriote Yelyzaveta Frolova, âgée de 16 ans.
Reportage
Huit cyclistes ukrainiens ont pris part ce mercredi à la 3e étape du Trophée du Doubs, dans un relief inhabituel pour eux qui viennent d’une région non loin de la frontière polonaise, à 300 km des Carpates qui constitue la zone montagneuse la plus proche. Tous s’entraînent à Macolin où Swiss Cycling accueille ces derniers mois 25 cyclistes réfugiés pour s’entraîner. Une aubaine pour leur coach. « Avec la guerre en Ukraine, on ne peut ni s’entraîner ni faire des courses là-bas. Ici, on peut tout faire. C’est très bien car plusieurs de nos cyclistes préparent des championnats d’Europe, championnats du monde ou manches de coupe du monde. Iryna est une vététiste, elle a couru cette année les étapes de coupe du monde à Albstadt en Allemagne et Leogang en Autriche. Elle a aussi pris part aux championnats d’Europe au Portugal et elle prépare désormais les championnats du monde en France. Ici c’est une bonne préparation pour elle », confie son entraîneure Valentina Matviichuk-Zholnath.
« Je veux faire carrière dans le vélo »
Pour cette vingtaine de jeunes cyclistes, le sport est comme une sorte d’exutoire. S’entraîner, courir, gagner, ne permet sans doute pas d’oublier complètement les affres de la guerre, mais au moins de maintenir des perspectives pour ces jeunes cyclistes dont fait partie Iryna. « Bien sûr on reste traumatisé par ce qu’il se passe en Ukraine. Dans l’intervalle, ça nous change les idées. Ça reste dur comme situation… mais j’ai envie de faire carrière dans le vélo alors c’est moins difficile que pour les autres qui sont restés là-bas. Je veux devenir cycliste professionnelle », avance la double vainqueure sur le Trophée du Doubs.
« Ils viennent de Macolin à vélo et repartent à vélo »
Celle qui a contribué à la présence d’Iryna et de ses compatriotes sur les courses de la région, c’est la Brelotière Marianne Froidevaux, touchée par leur situation lors du Mémorial Rui Loureiro à Tramelan début juin. Ravie de rouler avec un peloton féminin plus fourni qu’à l’accoutumée, elle les a aussitôt invitées sur d’autres courses. Poussée aussi par la volonté de ne pas laisser la guerre gâcher de tels talents. « Ça c’est clair ! Elles font ça tous les jours, elles ne vivent que pour ça, elles sont jeunes, pleines de dynamisme. Imaginez, ils viennent en vélo de Macolin sur les courses car Valentina n’a qu’une voiture et ne peut pas prendre tous les cyclistes. Donc ils viennent en vélo et repartent en vélo, c’est incroyable. C’est vraiment chouette que ces garçons et filles puissent performer ici, je pense aussi que ça les aide à tenir le coup », souffle l’athlète franc-montagnarde. Même si ces jeunes talents ukrainiens « pique », pour un temps, la vedette aux cyclistes de la région sur quelques courses. Car l’essentiel est ailleurs, bien au-delà du sport. /jpi