Trente-deux ans après Heinz Hermann, un international suisse franchira ce dimanche à St-Gall face au Bélarus la barre magique des 118 sélections.
A 31 ans 'seulement', Granit Xhaka entrera ainsi dans l’histoire.
Dans un entretien accordé à Keystone-ATS, le capitaine de l’équipe de Suisse est bien sûr revenu sur les grands moments d’une carrière internationale entamée le 4 juin 2011 à Wembley. Il ne se fixe, par ailleurs, aucune limite. '150 sélections ? C’est dans le domaine du possible', dit-il.
Quels souvenirs gardez-vous votre première sélection, à 18 ans à Wembley ?
'J’en conserve de très nombreux. Je peux ainsi me rappeler de l’instant où Ottmar Hitzfeld est venu me demander si j’étais prêt à jouer ce match contre l’Angleterre. Je n’ai pas hésité très longtemps avant de lui répondre oui. Avec les hymnes et les 95'000 spectateurs présents, je suis devenu très vite nerveux. C’était un rêve qui se réalisait. J’ai ressenti une immense fierté. Ce jour-là a compté énormément dans ma carrière.'
Ottmar Hitzfeld vous a donné cette première chance. Reste-t-il comme l’un des plus grands entraîneurs que vous avez côtoyé ?
'Il m’a accordé sa confiance. C’était un gentleman. L’un des plus grands entraîneurs de l’histoire au même titre qu’Arsène Wenger. Je n’oublierai jamais le respect avec lequel il traitait ses joueurs. Il a toujours tenu parole. Travailler sous ses ordres fut vraiment un privilège.'
'Le Mondial au Brésil le plus marquant'
Vous avez déjà disputé cinq phases finales avec l’équipe de Suisse. Laquelle fut pour vous la plus marquante ?
'La Coupe du monde au Brésil en 2014. C’était ma première. Le huitième de finale contre l’Argentine fut, à mes yeux, un match incroyable. Nous avions vraiment livré une très grande performance. Malheureusement, il y a eu ce but d’Angel Di Maria juste avant la fin des prolongations. Et après, l’occasion de Blerim Dzemaili... Avec le recul, je me dis que d’avoir disputé cinq phases finales à la suite avec l’équipe de Suisse a presque quelque chose d’irréel.'
Quels furent les moments les plus durs ? Les deux matches contre la Serbie ?
'Qu'entendez-vous pas 'durs' ? Les deux matches contre la Serbie n’étaient pas des matches comme les autres en raison de mon histoire personnelle. Mais je ne crois pas avoir traversé des moments 'durs' comme vous dites lors de ma carrière internationale. Si l’on doit dresser un bilan à ce jour, je dirai que le positif l’emporte très largement sur le négatif.'
'Suisse-Albanie? Un des sommets de ma carrière'
S’il y avait un match à ressortir sur les 117 premiers ne serait-il pas celui contre votre frère Taulant lors du Suisse – Albanie de l’Euro 2016 ?
'Cette rencontre restera comme l’un des sommets de ma carrière. Pour moi, pour mon frère, pour mes parents, pour ma famille. Notre histoire de deux frères qui disputent un Championnat d’Europe pour deux sélections différentes est unique. Encore aujourd’hui, j’ai de la peine à mettre des mots sur ce que j’ai pu vivre ce jour-là.'
La plus belle victoire ? Celle contre la France, alors Championne du monde en titre, à l’Euro 2021 ?
'Oui sans aucun doute. Personne ne nous accordait la moindre chance. Mais nous, nous voulions y croire. Et il y a le scénario improbable de ce huitième de finale. Nous avons dominé la première mi-temps avant de rater le penalty du 2-0 après la pause. Nous concédons ensuite trois buts en l’espace d’un quart d’heure et les Français ont commencé ensuite à danser, à s’amuser sur le terrain. Nous étions k.-o. Mais avec leur arrogance, ils nous ont remis en quelque sorte dans le match.'
La défaite la plus amère ? L’élimination contre la Pologne à l’Euro 2016 après votre penalty raté ?
'Cette élimination me reste encore en travers de la gorge, c’est vrai. Pas à cause de mon penalty. Mais en raison du déroulement de la rencontre. Après l’égalisation de Xherdan Shaqiri, le match avait tourné. Nous avons alors bénéficié de bien des occasions pour forcer la décision avant les tirs au but. Ce match, on doit le gagner, 3-1, 4-1 ou même 5-1.'
'Un chiffre qui ne doit rien au hasard'
Dimanche, vous égalerez le record des 118 sélections de Heinz Hermann. Que signifie pour vous ce record ?
'Je n’arrive pas à réaliser encore pleinement la signification de ce record. Surtout si l'on sait d’où je viens avec la problématique de l’identification. N'a-t-on pas dit que je ne serai pas un 'vrai' joueur suisse parce que je ne chante pas l’hymne ? Mais dimanche avec cette 118e sélection, le débat est clos. Plus personne ne pourra affirmer que je ne porte pas fièrement les couleurs de l’équipe de Suisse. On doit comprendre que ce chiffre de 118 sélections ne doit rien au hasard : je le dois à la passion que je nourris pour mon sport, à la fierté de représenter mon pays et, enfin, à un immense travail accompli au cours de toutes ces années. »
Jusqu’où irez-vous ? Jusqu’à la Coupe du monde 2026 ? Jusqu’à la barre des 150 sélections ?
'Je ne me fixe aucune date, aucune échéance. Si je suis toujours d’attaque, pourquoi ne pas aller au-delà de 2026 ? Si j’ai toujours faim, alors c’est loin d’être fini. Je ferai tout pour honorer une 150e sélection. Personne à part moi-même ne m’arrêtera.»
/ATS