L'inquiétude montait mardi en Europe et sur les marchés face à l'évolution politique de l'Italie, pays fondateur de l'UE et de l'euro, en passe d'être dirigé par un gouvernement populiste et eurosceptique. Le franc s'est apprécié de deux centimes ces derniers jours.
Les avertissements de la part de dirigeants européens se sont multipliés ces derniers jours à l'attention de la coalition anti-européenne qui se met en place à Rome. D'autant plus que cette dernière ne cache pas ses intentions de pratiquer une politique de relance en laissant déraper le déficit public et la dette, au risque de provoquer une crise de l'euro.
Le président italien Sergio Matarella a demandé mardi de nouvelles consultations avant de décider s'il accepte ou non de nommer Guiseppe Conte, un juriste inconnu du grand public, proposé par les deux formations pour diriger le gouvernement. Son refus imposerait de nouvelles élections.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker s'est refusé mardi à tout commentaire dans l'attente de sa décision. 'Nous comprenons que le processus constitutionnel est en cours et nous attendrons qu'il soit terminé', a déclaré son porte-parole Margaritis Schinas.
Mais plusieurs membres de la commission ont dit leur préoccupation. 'Il y a quelque chose d'inquiétant, oui', a ainsi déclaré la Commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, avant une réunion ministérielle mardi à Bruxelles.
Appréciation du franc
L'euro restait sous pression face au dollar mardi, après avoir atteint la veille un plus bas depuis mi-novembre. Même constat contre le franc suisse, ce dernier s'étant apprécié de quelque deux centimes depuis une semaine, la monnaie unique s'échangeant contre moins de 1,1730 franc mardi en début d'après-midi.
Lundi, la Bourse de Milan avait perdu 1,52%, avant de gagner 0,06% mardi à 14h40, tandis que le spread - l'écart très regardé en Italie entre les taux d'emprunt italien et allemand à dix ans - avait poursuivi son ascension pour clôturer à 186 points (+55 points en moins d'une semaine). La Bourse suisse, pour sa part, évoluait sans orientation.
Dans un entretien publié mardi dans le quotidien économique allemand Handelsblatt, le vice-président de la Commission européenne, Valdis Dombrovskis a lancé une mise en garde très explicite.
'La Commission européenne ne se mêle pas par principe de la politique nationale. Mais pour nous, il est important que le nouveau gouvernement italien maintienne le cap et mène une politique budgétaire responsable', a déclaré le commissaire letton, chargé de l'euro au sein de l'exécutif européen.
'Jouer avec le feu'
'L'Italie a l'endettement public le plus élevé de la zone euro après la Grèce', a-t-il rappelé en forme d'avertissement, alors que le coût d'emprunt du gouvernement italien pour financer ses déficits sur les marchés financiers s'est accru ces derniers jours.
'Nous ne pouvons que conseiller de maintenir le cap en matière de politique économique et financière, de promouvoir la croissance via des réformes et de maintenir le déficit budgétaire sous contrôle', a dit à ce sujet le vice-président de la Commission.
Il y a une semaine jour pour jour, un autre vice-président de la Commission européenne, Jyrki Katainen, avait déjà mis en garde le futur gouvernement italien contre toute velléité d'entorse au pacte européen de stabilité et de croissance.
'Les règles du pacte de stabilité et de croissance s'appliquent à tous les Etats membres de l'Union européenne', avait-il prévenu.
Ces avertissements agacent les chefs des deux forces de la coalition italienne. 'Laissez-nous commencer d'abord, ensuite vous pourrez nous critiquer, vous en aurez tous les droits, mais laissez-nous commencer', a déclaré lundi soir Luigi Di Maio, le jeune chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S).
Calmer le jeu
Matteo Salvini, le patron de la Ligue, cherche à calmer les craintes. 'Ils ne doivent pas s'inquiéter, le gouvernement dont nous ferons partie veut faire croître et repartir l'Italie, en respectant toutes les règles et les engagements.'
Matteo Salvani a qualifié d''inacceptables' des avertissements du ministre français de l'Economie, Bruno Le Maire, qui se disait inquiet pour la stabilité de la zone euro.
M. Salvini a aussi vivement réagi à une mise en garde d'un responsable du parti conservateur de la chancelière allemande Angela Merkel, Manfred Weber. 'Qu'il s'occupe de l'Allemagne, et nous nous occuperons de ce qui est bon pour les Italiens', avait-il lancé sur Twitter.
Manfred Weber avait accusé au cours du week-end les deux partis italiens de 'jouer avec le feu, car l'Italie est très endettée'. 'Des actions populistes ou irrationnelles pourraient provoquer une nouvelle crise de l'euro', avait-il dit à l'agence de presse allemande DPA.
/ATS