Il y a douze ans le Qatar obtenait à la surprise générale l'organisation du Mondial 2022. Critiques, doutes et controverses auront jalonné ce long chemin jusqu'au bout.
Quand le Brésil de Neymar atterrira samedi soir, à quelques heures de Qatar-Equateur (dimanche 17h00), tous les acteurs seront là, prêts à animer un des plus grands événements planétaires: plus d'un milliard de téléspectateurs sont attendus pour la finale le 18 décembre dans le superbe stade Lusail, coquille dorée posée aux portes du désert.
Les 31 autres équipes auront précédé la Seleçao, dont les autres favoris: les tenants du titre français, diminués par les blessures mais dont l'effectif reste impressionnant, puis les Argentins qui rêvent d'offrir le sacre suprême à Lionel Messi, 35 ans, et le faire rejoindre Diego Maradona dans la légende albiceleste, pour sa cinquième et ultime tentative.
Les Anglais, inventeurs du jeu mais en interminable quête de titre depuis 1966, les Espagnols ou les Allemands rajeunis et talentueux, voire les Pays-Bas de l'expérimenté Louis van Gaal, font également figure de postulants crédibles. Sans doute plus qu'une Belgique en déclin ou le Portugal dont la tête d'affiche, Cristiano Ronaldo, a été l'acteur du traditionnel feuilleton d'avant-Mondial, son divorce retentissant avec Manchester United.
Dans l'histoire
Quel que soit le spectacle qu'offriront les géants du jeu, ce Mondial 2022 restera dans l'histoire. C'est le premier dans le monde arabe; le premier aussi à interrompre une saison de football professionnel, programmé à la fin de l'automne pour éviter les chaleurs insupportables de ce pays désertique minuscule, grand comme Chypre ou la région parisienne.
Surtout, jamais un pays organisateur n'avait eu à affronter à un tel flot ininterrompu de critiques: il y eut d'abord les accusations de corruption pour emporter sur le fil la décision de la FIFA en 2010 face au géant américain.
Puis vinrent les critiques sur l'impact environnemental d'un événement qui, selon diverses estimations, aurait coûté plus de 200 milliards d'euros, et nécessité des infrastructures pharaoniques, avec la construction ex nihilo de sept stades et la rénovation du huitième. Surtout, il y eut la question des droits humains, notamment ceux des personnes LGBTQ+, dans un pays où homosexualité et relations sexuelles hors mariage sont des délits.
Que feront les capitaines des huit sélections - parmi lesquels la Suisse - qui ont annoncé leur intention de porter un brassard multicolore lors de leurs rencontres ? Le Français Hugo Lloris a finalement renoncé à cette initiative qui déplaisait beaucoup au président de la FIFA Gianni Infantino, lequel a sèchement demandé aux 32 sélections de 'se concentrer sur le football'.
Travailleurs migrants
Le sort réservé aux travailleurs migrants, qui font fonctionner ce pays de moins de 3 millions d'habitants (dont près de 90% d'étrangers), a également été pointé du doigt dans les pays occidentaux.
Le Qatar, qui dit déceler du 'racisme' derrière ces attaques, insiste sur les progrès apportés à sa législation sociale en un temps record et dément avec force que des milliers d'ouvriers aient trouvé la mort sur ses chantiers.
Amnesty International et Human Rights Watch ont demandé à la FIFA la mise en place d'un fonds d'indemnisation pour ces employés. Une question qui sera à coup sûr posée à Gianni Infantino lors de sa première conférence de presse samedi.
'Dire qu'on ne devrait pas se concentrer sur les droits humains à l'occasion du Mondial, cela m'a vraiment irrité', a dit vendredi le président de la Fédération allemande (DFB) Bernd Neuendorf, prêt 'à payer des amendes' sur la question.
Les autorités qataries ont à plusieurs reprises promis que tous seraient accueillis 'sans discrimination' tout en appelant le million de visiteurs attendus à respecter culture et sensibilités locales.
Une interdiction qui soulève des questions
La volte-face des autorités qataries, qui ont subitement interdit la vente d'alcool près des stades, pose aussi question. Pour la FSA, l'association des supporters anglais dont des milliers sont attendus lundi pour le match des Three Lions contre l'Iran, si les autorités 'peuvent changer d'avis d'un coup d'un seul' sur ce sujet, 'les supporters nourriront des inquiétudes compréhensibles sur leur capacité à respecter leurs promesses sur d'autres questions'.
Comment réagiront les forces de sécurité, dont de nombreux policiers étrangers venus pour l'occasion, devant l'apparition d'un drapeau arc-en-ciel, une manifestation de militants LGBTQ+, un couple s'embrassant sur la voix publique, ou des supporters en état d'ébriété ? L'ouverture samedi en début de soirée de la Fan-zone de la FIFA, où l'alcool est autorisé, sera à cet égard un test.
Les organisateurs en passeront un autre pour le match d'ouverture dimanche et surtout lundi, avec trois matches à Doha dans la journée: il faudra convoyer des dizaines de milliers de supporters dans les stades, une gestion de flux de foule inédite au Qatar.
L'Iran observé
Autre sujet qui pourrait faire passer le sport au second plan dans ce Mondial à nul autre pareil, le comportement des joueurs iraniens. Exprimeront-ils leur soutien aux manifestations contre le régime et leur rejet de la répression ? Ce sera une 'décision personnelle', a répondu cette semaine leur capitaine Alireza Jahanbakhsh.
Leurs débuts contre l'Angleterre lundi et surtout leur match contre les Etats-Unis le 29, revanche de la rencontre historique du Mondial 1998, seront au centre de l'attention.
/ATS