La justice jurassienne s’est penchée mardi sur un cas complexe. Un homme, qui a exploité pendant plusieurs années un cabinet de médecines naturelles à Delémont, a comparu devant le Tribunal pénal de première instance à Porrentruy pour faux dans les titres et escroquerie. Il lui est notamment reproché d’avoir utilisé de faux diplômes pour pouvoir exercer et être inscrit au Registre des médecines empiriques. Le prévenu aurait également travaillé alors qu’il était en incapacité de travail et qu’il touchait des indemnités pour perte de gain. Les faits s’étalent sur période allant de 2003 à 2012.
Des dates et lieux qui interrogent
Le parcours professionnel du praticien a été au cœur des auditions menées par le président, Pascal Chappuis. Le juge a tenté de confronter l’accusé aux incohérences de son CV et des pièces produites dans le cadre de l’affaire. Le prévenu a, par exemple, obtenu un Bachelor en sciences médicales en 1978 alors qu’il dit avoir passé son bac la même année. Autre point soulevé par le juge, l’accusé a décroché trois doctorats (psychologie, psychopathologie et médecine générale) en trois ans. « Mes études ont été compressées et je les ai réalisées en parallèle », s’est justifié le prévenu. Ce dernier est toutefois resté très confus sur les dates, avouant parfois qu’il ne se souvenait plus de certains événements.
La provenance de ses diplômes a également suscité le débat. Pascal Chappuis s’est notamment arrêté sur une licence accordée au praticien en 1989. Ce document lui reconnaissait la qualité de Docteur en médecine pour pratiquer la psychiatrie dans l’état de l’Arkansas, aux États-Unis, alors qu’il n’y a jamais mis les pieds. « Comment peuvent-ils vous autoriser à exercer la psychiatrie alors que vous ne l’avez pas étudiée ? », s’est interrogé le président. Le prévenu a d’abord indiqué qu’il s’agissait d’une validation de cursus en médecines naturelles avant de reconnaître que le document était inexact. Autre exemple de titre suspect mentionné par le juge, celui de Docteur en médecine et en pharmacie délivré par la Faculté de médecine des États-Unis d’Amérique de l’Université d’Ontario alors que le prévenu n’a pas fait d’études dans le domaine de la pharmacie.
Mensonges ou naïveté ?
L’accusation a insisté sur le nombre de mensonges et d’incohérences qui entourent cette affaire. Le procureur a indiqué que les diplômes de l’accusé avaient été délivrés par des institutions qui n’étaient pas habilitées à le faire, soulignant que certains responsables de ces dernières avaient fait l’objet d’investigations pour avoir produit de faux documents. Daniel Farine a, enfin, estimé que le prévenu avait profité de sa position de médecin pour tromper ses patients sur la nature de ses prestations et pour escroquer les caisses maladie.
La défense a, de son côté, souligné que les diplômes en question n’avaient pas été fabriqués par le prévenu mais qu’ils lui avaient été délivrés au terme d’une formation donnée, notamment, par correspondance depuis le Royaume-Uni. Ses avocats ont reconnu que le cursus du praticien était peu traditionnel et qu’il avait peut-être été naïf de croire à la validité de ces documents. Ils ont toutefois rappelé que tous les systèmes de contrôle mis en place en Suisse avaient dysfonctionné. En quinze ans, personne n’a remis en cause les titres que l’accusé a présentés dans son parcours professionnel. L’escroquerie ne peut pas être retenue, selon la défense. Le prévenu n’a pas été particulièrement astucieux. Il n’a, par exemple, jamais cherché à empêcher ou dissuader les contrôles.
L’avocat de la défense a ainsi demandé l’acquittement au bénéfice du doute. Le Ministère public a, lui, requis deux ans de prison avec sursis pendant deux ans. Trois assurances sont également parties plaignantes dans cette affaire. Elles demandent la restitution de près de 400'000 francs d'indemnités pour perte de gain versées à l’accusé alors qu’il continuait de travailler et de facturer des prestations remboursées par l’assurance maladie complémentaire. Le verdict sera rendu mercredi après-midi. /alr