Salaires en euros : la décision du TF interpelle

Le syndicat Unia et les juristes jurassiens proches de l’affaire s’étonnent que le Tribunal ...
Salaires en euros : la décision du TF interpelle

Le syndicat Unia et les juristes jurassiens proches de l’affaire s’étonnent que le Tribunal fédéral ne se soit pas prononcé sur la légalité du versement des salaires en euros

L'entreprise Von Roll à Choindez L'entreprise Von Roll à Choindez

L’entreprise Von Roll Infratec ne sera pas sanctionnée pour avoir payé des travailleurs frontaliers en euros. Condamnée en première instance par le Tribunal arbitral puis le Tribunal cantonal, l’entreprise installée notamment à Choindez et Delémont a vu son recours accepté par leTribunal fédéral mardi. Selon les juges, l’employé payé en euros a abusé de son droit en saisissant la justice tardivement.


Une portée limitée

Très attendu, cet arrêt du Tribunal fédéral ne revêt finalement qu'une portée limitée. Les juges ont en effet refusé de se prononcer sur le fond. On ne saura pas si le fait de payer ses salariés en euros en Suisse est légal ou discriminatoire. Le TF a simplement estimé qu’il existe un autre motif pour admettre le recours de l’entreprise visée : l’abus de droit. Un jugement que peine à digérer Aldo Ferrari, vice-président du syndicat Unia :

Aldo Ferrari : « la partie la plus faible se retrouve acculée »

Pourtant, le Tribunal cantonal jurassien avait jugé en mars 2017 que verser des salaires en euros créait une inégalité de traitement entre salariés frontaliers et suisses. Une discrimation contraire aux dispositions de l’Accord de libre-circulation des personnes. L'absence de réponse du Tribunal fédéral sur ces points fondamentaux surprend d'ailleurs les juristes jurassiens proches de l’affaire, notamment le juge Jean Moritz qui présidait la Cour civile du Tribunal cantonal en 2017. Il se dit étonné que le Tribunal fédéral n’ait pas statué sur le fond, très surpris que « l’abus de droit » ait été retenu alors qu’il n’était pas invoqué par l’entreprise Von Roll devant la Cour civile. Enfin, pesait sur les salariés la menace de perdre leur emploi s’ils ne signaient pas ce fameux avenant qui introduisait le versement du salaire en euros, ce qui ne leur laissait donc guère le choix. Que le TF ne se soit pas appesanti sur ce point laisse Jean Moritz pantois, tout comme Me Mathias Eusebio qui défend trois dossiers similaires devant le Conseil des Prud'hommes :

Me Eusebio : « ils étaient licenciés s'ils ne signaient pas ! »

Plusieurs procédures en cours

En effet, quatorze salariés de Von Roll Infratec ont intenté une action devant le Conseil des Prud'hommes. Les procédures étaient jusque-là suspendues en attendant la décision du Tribunal fédéral et vont donc reprendre prochainement. Les parties diront si elles veulent poursuivre leur action en demande d’indemnité, sachant que l’abus de droit risque de s’appliquer dans la majorité des cas. Quasiment tous les salariés ont demandé à être indemnisés après avoir été licenciés ou avoir quitté l’entreprise. Or, c'est justement cette réaction tardive que les juges du Tribunal fédéral ont reproché dans leur arrêt ce mardi. Selon le syndicat Unia, la Chambre de Commerce et d’Industrie du Jura et la Promotion économique, il n’existe à leur connaissance aucune autre entreprise jurassienne qui verse des salaires en euros. /jpi


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